RAPANUI_ANAKENA_Explorateur hors norme_Mata Rangi_anecdote

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Fri 13 May 2011 20:13
Bonjour,

Oups... Pas facile de mener de front petites navigations, copains bateaux, vadrouilles en tout genre et l'envie de poursuivre avec vous le récit sur l'île de Pâques! Mais nous revoici à Anakena qui fut le siège d'un événement épique des temps modernes.

On trouve dans la biographie de Kitin Muños cette phrase qui donne le ton :"Navigateur d’origine espagnole, explorateur scientifique et sociologue, ardent défenseur de la cause des peuples indigènes dans le monde, Kitín Muñoz utilise ses expéditions à bord d’embarcations primitives pour répandre son message de paix, en faveur de la pluralité culturelle et du respect des cultures autochtones".

Cet explorateur, navigateur... (Devrait-on dire aventurier?) eut l'idée, en mai 1995, de construire une pirogue double en "totora" afin d'effectuer un voyage sur le Pacifique ralliant Rapanui aux Marquises. Le totora est le jonc qui pousse autour des cratères de Rapa Nui mais également autour du lac Titicaca. Cette plante inspira en 1947, Thor Heyerdahl pour fabriquer son célèbre Kon Tiki. Le navigateur norvégien était persuadé que les îles du Pacifique avaient été conquises par les peuples d'Amérique latine naviguant sur les embarcations semblables à celles qu'il avait observées sur le lac Titicaca. Même si pendant la seconde moitié du vingtième siècle cette thèse a largement été démentie par les archéologues, Kitin Muños, reprend à la veille du vingt et unième siècle le flambeau.

Son idée se défend. Puisque l'île de Pâques ne possédait plus d'arbres, pas le moindre bout de bois d'une taille suffisante pour y construire une barque, pourquoi ne pas imaginer un autre matériau ? Le seul disponible sur l'île de Pâques étant le totora, voici une théorie qui prend forme!

Grâce à leur structure creuse, les totoras, une fois tressés et liés deviennent étanches et permettent à un navire de flotter. Ainsi, les Aymara (tribus d'Indiens du lac Titicaca à la lisière entre le Pérou et la Bolivie) développèrent-ils un savoir-faire qui perdure encore de nos jours. Kitin Muños s'est fait aider des Indiens Aymara pour son projet de construction d'une pirogue selon des méthodes archaïques. Les embarcations de roseaux sont construites sur le modèle des paniers tressés, les deux extrémités des flotteurs (la poupe et l'étrave) étant recourbées vers le haut. Sponsorisé par la couronne d'Espagne, les montres Breitling et le gouvernement chilien, Kitin Muños prélève 2500 mètres cubes de joncs sur les rives du lac Titicaca, ceux-ci sont expédiés à grands frais (160 000 dollars) sur l'île de Pâques. Puis, sur la plage d'Anakena, Muños et une dizaine d'Indiens Aymaras construisent une pirogue de 30 mètres de long, huit mètres de large, pesant près de 70 tonnes.

Les travaux prennent du retard. Les amis de Kitin Muños, dont Felipe de Bourbon, prince d'Asturies, viennent l'encourager sur la plage d'Anakena en avril 1997... Le 5 mai, le bateau est enfin prêt, mais l'hiver austral est déjà installé. Jamais les ancêtres ne seraient partis, sachant à quel point, l'océan n'est plus fréquentable au-delà du mois d'avril. Leur périple sur Mata Rangi (qui signifie le regard vers le Paradis) devient un enfer. En 25 jours, ils ne parviennent à parcourir que 170 milles. Les tempêtes se succèdent, les courants entravent la marche du navire qui ne parvient pas à dépasser 0.6 noeud de moyenne. Finalement, une nuit plus dure que les autres, Kitin Muños et ses équipiers pascuans s'enferment dans la nacelle construite entre les deux flotteurs. Au petit matin, l'un des marins sortant de l'antre, trouve entre les deux étraves, la poupe! Le bateau, cassé en deux, s'est recroquevillé sur lui-même.

Se passe alors, à bord de ce bateau archaïque, un épisode surréaliste. Kitin Muños a la manière de James Bond déploie de sa montre Breitling une petite antenne et lance un signal de détresse. Les treize Pascuans médusés s'accrochent à l'idée que ce gadget leur sauvera la vie.

Leur appel est entendu. Sur l'île de Pâques et sur les côtes du Chili, les sauveteurs s'organisent, mais le déploiement des aides prend du temps. Un voilier américain,  "Stray dog" mouillé face à la rade de Hanga Roa, prend le large en direction des naufragés. Il arrive à temps, ramène tout le monde sur Rapa Nui. S'en suit une méga fête sur le site de Tongariki. Le voilier, laissé seul dans la baie, sera jeté sur le rivage, par une houle furieuse, pendant que son équipage festoyait avec les rescapés.

Pour conjurer le sort, les Pascuans avaient emporté à bord du Mata Rangi des amulettes, des statuettes de bois ancestrales censé porter bonheur. En voyant le bateau de leurs sauveteurs complètement détruit, de rage, ils brûlèrent leurs talismans.

Pour autant Kitin Muños ne s'avoua pas vaincu. Il construisit quelques années plus tard, le Mata Rangi II. Il désirait traverser tout le Pacifique, depuis les côtes du Chili jusqu'au Japon. Il embarqua des équipages, pascuans, boliviens, chiliens, tahitiens, tonguiens, ... japonais. Mata Rangi II parti des côtes du Chili, n'atteignit jamais les Marquises. Mata Rangi II se disloqua à quelques centaines de milles de l'archipel polynésien, dévoré par les vers. Pourtant, l'explorateur estima que l'expérience avait été une totale réussite. En 2001, c'est reparti, sur Mata Rangi III et cette fois sur la Méditerranée...

Un insatiable aventurier...
A plus, pour la dernière étape de ce tour et une balade sur l'un des plus beaux paysages de Rapanui...
Nat et Dom
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