TAHITI_la saga de la BOUNTY_le cinema qui change tout

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Thu 10 Feb 2011 04:15
Bonjour,

Voici le dernier épisode de cette saga de la Bounty. A croire que tout ce qui touche ce bateau se transforme inexorablement en fait extraordinaire...



La Bounty en cinémascope

La Bounty et ses mutinés ont de tout temps attisé l'imagination des créatifs. Ils intéressent  d'abord, les écrivains, dont Jules Vernes qui écrit en 1879 « Les révoltés de la Bounty », un texte éducatif, illustré par L. Benett, publié dans la collection « Voyages extraordinaires » de la Bibliothèque d'éducation et de récréation des éditions H Hetzel.  Puis, en matière de littérature, on connaît le succès retentissant de la trilogie écrite à quatre mains par Nordhoff et Hall.

Mais avant qu'ils ne pensent à écrire ce « best-seller », pendant la Première Guerre mondiale, en 1916, Raymond Longford, un réalisateur australien sort une première version cinématographique muette : « the mutiny of the bounty ». Film de 55 minutes où des acteurs pionniers tels que Gwill Adams, Mere Amohau, défendent la cause de Christian et soulignent la tyrannie de Bligh.

Dans les années 1930, le sujet est mûr et les réalisateurs le croquent à pleines dents.

En 1933, alors que « Les révoltés » de Hall et Nordhoff viennent à peine d'être édités, Charles Chauvel, considéré aujourd'hui comme le père du cinéma australien, réalise le fim qui a pour titre :  « In the wake of the Bounty ». Errol Flynn y incarne Fletcher Christian, tandis que Mayne Linton lui donne la réplique dans la jaquette de Bligh. Pour la petite histoire, la mère de Flynn était une descendante de Edward Young. Le second maître à bord de la vraie Bounty et ami de Christian, qui partit avec lui sur Pitcairn. Il résista aux attaques des Tahitiens, mais mourut d'un problème pulmonaire. Il est l'un des fondateurs ayant établi les premières règles éducatives dans la colonie.

En 1935, les Américains s'emparent du sujet. Pour un budget de 2 000 000 de dollars, Frank Lloyd réalise « Mutiny of the Bounty ». Charles Laughton, a la tête de l'emploi pour endosser le rôle de l'infâme Bligh et Clark Gable prend celui Christian Fletcher au grand coeur. C'est Movita Castaneda, qui lui donne la réplique en tant que Tehanni, la fille d'un chef indigène de Tahiti. Bizarrerie des destins croisés : elle sera la seconde femme de Marlon Brando, dont elle aura deux enfants.

En 1962, la MGM démarre une super production, dont Marlon Brando est la « super star ».
Le film dure 3h07, il est d'abord réalisé par  Carol Reed, puis  Lewis Milestone prend le relais. Le scénario est largement inspiré du roman de Charles Nordhoff et James Norman Hall. Marlon Brando est Fletcher Christian, tandis que Trevor Howard joue William Bligh. Tarita, une Tahitienne engagée sur place est la partenaire de Marlon Brando.

Cette réalisation bouleversera le quotidien des Tahitiens, ainsi que celui de Marlon Brando. (Nous y revenons dans la rubrique suivante)

En 1974, un réalisateur italien s'attaque, à son tour, au sujet. Sous le titre "Noa Noa" The survivors of the Bounty », Hugo Liberatore tourne en République dominicaine, il ne marque pas profondément les esprits.

En 1984, une nouvelle équipe de tournage américaine dirigée par Roger Donaldson débarque à Tahiti. Dans ce film, Mel Gibson donne la réplique à Anthony Hopkins. Moorea est choisie pour décor. Préservée et plus sauvage que Tahiti devenue trop urbanisée, elle offre un décor superbe, qui correspond exactement à l'image féérique qu'ont véhiculée les marins de passage. Pour cette production, la Bounty a été reconstruite à l'identique. Elle est, aujourd'hui, conservée au musée flottant de Sydney.

L'épopée tahitienne autour de la Bounty

Si le premier passage de la Bounty en 1789 ne bouleverse que la vie d'une dizaine de Tahitiens, son retour en 1960 ne passe pas inaperçu.

A cette époque, Tahiti vit endormie au coeur du Pacifique. Elle est possession des Français, mais trop loin, la Métropole s'y fait discrète. Les insulaires vivent de leur production locale, peu aidés de la patrie mère. Des Allemands et des Américains se sont installés, ils ont établi des plantations ou créent du négoce. Ils prospèrent à leur rythme. Le 15 octobre 1960, marque le grand tournant de Tahiti. Celui qui bouleversera tout le système de valeur de la population.

Ce jour, l'équipe de tournage de la MGM débarque à Papeete, avec tout son clinquant et tous ses millions : 18 en tout.

Pour l'époque cela représente un budget gigantesque. Le bateau a coûté 750 000 dollars. Le cachet de Brando est de 500 000 dollars, plus dix pour cent sur les recettes, plus 5000 dollars par jour de dépassement. Pour la réalisation du film, des centaines de danseurs et de figurants sont engagés, des tonnes de fleurs sont commandées chaque jour. A Tahiti, l'argent facile coule à flot. Un pêcheur reçoit pour quelques coups de pagaies dans sa pirogue, l'équivalent d'un mois de pêche. Dans la dépêche du Midi, l'on raconte « qu'une femme qui s'occupa de la confection de colliers de fleurs pour le tournage, s'acheta à la fin de la superproduction trois maisons! »

Que cela reste entre nous, mais les Tahitiens ont une légère et très sympathique propension à l'exagération. Malgré cette disposition, l'on imagine à quel point le tournage du film bouleverse le quotidien des insulaires.

Sur le tournage, tout n'est pas aussi rose que ce l'est pour Tahiti qui engrange les millions. Excédé par le comportement erratique de Marlon Brando, le réalisateur Carol Reed rentre aux Etats-Unis. Est dépêché, sur place, en tant que remplaçant, Lewis Milestone qui tourne son dernier film. La dernière image révèle toute la démesure du tournage et nécessite 100 kg de glaces (dans un climat torride) afin d'aider Fletcher Christian à simuler parfaitement les tremblements de son agonie.

Dès sa sortie en salle, les Américains affluent pour découvrir les somptueux paysages. Le mythe est réveillé, il ne s'éteindra plus. Tahiti devient aux yeux du monde, la coqueluche du rêve d'ailleurs, « bien meilleur que chez soi! »

Marlon Brando à Tahiti et Tetiaroa

L'équipe du film a plié bagage, mais Marlon Brando, reste accroché à Tahiti. Il épouse la belle Tatira avec laquelle il a deux enfants, dont Cheyenne, qui malheureusement se suicidera après la sordide affaire d'assassinat de son fiancé par son demi-frère, Christian.

Le nom de Marlon Brando, reste intimement lié à celui de Tahiti, et à une île toute proche, celle de Tetiaroa. Elle était la résidence « secondaire » des Pomare. En 1904, les descendants de la famille royale offrent l’atoll au Dr Johnston Walter Williams. Cet Anglais était, alors, le seul dentiste de Polynésie. En 1965, Marlon Brando découvre l'atoll et négocie un bail emphytéotique (pour 99 ans).

En 1966, l'acteur  parvient à transformer le bail en achat. Il acquiert pour la somme de 17 942 000 de XPF (150 000 euros) l'atoll de Tetiaroa. Il y fait tracer une piste pour petits avions, puis il fait construire un hôtel tenu par sa femme Tarita. Plus tard, leur fils en prendra les rênes.

Le 1er juillet 2004, la mort de Marlon Brando sonne le glas de la tranquillité sur Tetiaroa. L'atoll, avec son hôtel discret, en matières naturelles n'avait pas défiguré l'environnement. Le respect de la faune et de la flore terrestres et aquatiques était roi. Mais la succession découvre des charognards qui rôdent.

Les autorités polynésiennes, parties prenantes dans la succession, ne respectent pas les désirs de Brando de laisser l'atoll « propre ». Elles cèdent aux offres d'un habitué du tourisme à Tahiti, Richard Bailey, il fait main basse sur l'île aux oiseaux de Brando. A l'heure actuelle, il y déploie à coups de bulldozers une structure hôtelière de luxe "propre". Un « Eco-Resort de luxe" sous le nom de "The Brando".

Le résultat aura sans doute des allures « propres », mais la construction a déjà bel et bien détruit une partie du récif corallien...

A plus, pour poursuivre ce tour de l'île par le petit bout de la lorgnette
Nat et Dom
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