MARQUISES_Tahuata_petite navigation et mouillage tranquille_texte
EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Wed 15 Sep 2010 21:50
Bonjour,
Hier matin, nous nous sommes extirpés de la houle persistante du mouillage de Tahauku. La dernière nuit dans le sud d'Hiva Oa fut sans doute un cas d'école pour deux pauvres bouteilles d'orangina mal rangées, tombées par hasard sur un trampoline. Notre Etoile était déchaînée et s'est transformée en un abominable engin de gymnastique se régalant à évaluer notre capacité à "dormir" en sautant. Il était temps de partir... Grand temps!
Oui, mais... Pour partir, encore fallait-il dégager nos ancres. J'ai été moyennement rassurée, lorsque Dom m'a annoncé qu'il ne pouvait les récupérer qu'en plongeant. La veille, deux requins marteaux de belle taille avaient rôdé quelque temps autour des bateaux. Sans trop y penser, voici mon capitaine qui chausse son masque et qui s'enfonce dans l'eau si opaque que je ne peux le suivre des yeux, ni même repérer un éventuel prédateur. Il me dira plus tard qu'il s'est cogné sur le fond, tant il n'y voyait rien!
Les profondeurs du mouillage de Tahauku sont pleines de surprises, tantôt les ancres s'enfoncent dans une surface si vaseuse qu'elle les aspire telles des ventouses, tantôt, le sable fait de petites caillasses, ne retient aucune forme d'ancre. Le pire étant de crocher les fondations d'une ancienne digue qui traverse toute la baie. Là, prises au piège de ferrailles et de dalles en béton, seul un plongeur en bouteille peut tenter de récupérer nos chères ancres. Dom a dû batailler plus de deux heures pour nous dégager.
A la sortie, la mer est cabossée. Comment en serait-il autrement? Secoués comme nous le sommes à l'intérieur, dehors, nous ne pouvions trouver un lac!
Je m'étais toujours demandé pourquoi, la baie qui enchâsse Taaoa, Atuona et le mouillage de Tahauku se nommait la baie des traîtres. Là, en sortant du mouillage, et en pénétrant dans ce vaste cratère mi-terrien, mi-marin, je comprends soudain. Les traîtres ne sont pas des humains, ils sont intemporels, désincarnés et voraces. Les vagues sont comme d'immenses mâchoires qui présentent sur notre coque des dents d'écume acérées prêtes à nous dévorer. Nous les prenons de travers. Mais notre Etoile courbe l'échine, elle se plie au mouvement erratique, elle s'en prend à l'intérieur à tout ce qui n'est pas rangé, mais elle se redresse à tout coup. Le traitement n'est pas long, nous en avons jusqu'à la sortie de la baie. A la pointe Tepuhihaatuna, nous pénétrons dans le canal du Bordelais. Il a mauvaise réputation, car c'est un couloir d'eau, où la houle pénètre et monte plus haut, car elle manque d'espace, et puis, dans ce couloir maintenu entre le mont Temetiu de 1276 mètres et ceux
tout aussi hauts de Tahuata, la brise prend force et s'engouffre par rafales.
Nous prenons le tout par l'arrière. Rien de méchant donc, les rafales ne dépassent pas 35 noeuds, nous nous attendions à pire. On réduit, ce brave génois. Nous n'oublions pas qu'ici, au mois de juin un catamaran a démâté, et nous ne comptons plus les haubans qui ont lâché cette année, ici même. La route n'est pas longue, nous ne sommes pas pressés, et nous épargnons notre Etoile.
Avec un quart de génois nous filons 7 noeuds et nous atteignons déjà, la pointe Matau, encore quelques rafales et nous voici à l'entrée de la baie Hanamoenoa. Au mois de juin, nous n'avions pu y mouiller à cause de l'affluence. Aujourd'hui, elle s'offre solitaire, magnifique!
J'avais oublié qu'il soit possible de jeter l'ancre sur un plan d'eau calme et clair! Notre Etoile a cessé ses convulsions, nous jetons l'ancre et la voyons se poser sur du sable blanc au travers d'une eau aux teintes turquoise. Devant nous, une plage blanche, une frange de cocotiers et partout dans notre Est des collines, qui s'entrecroisent. Elles sont tapissées d'une végétation rase. Derrière nous, vers l'ouest, un vaste horizon. Nous voyons enfin, le soleil se coucher. Là-bas, à Hiva Oa, nous étions trop cernés par les montagnes pour le voir se lever ou se coucher, il ne dispensait que quelques heures de son énergie à nos panneaux solaires. Ici, tout reprend sa place. L'éolienne tourne et fait son train, les panneaux se dorent la pilule, et l'équipage a la réelle sensation de retrouver ses pénates!
Que du bonheur...
Nous ne savons pas combien de temps nous resterons ici. Nous avons à nettoyer les amarres qui ont pris une salle couleur et des algues, la coque qui s'est pris une teinte rousse... Mais nous ferons tout cela dans un esprit de détente, sans aucune précipitation!
A plus pour d'autres nouvelles...
Nat et Dom
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