TAHITI_tour de lile_ARUE_Saga de la BOUNTY_Histoire vraie

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Mon 7 Feb 2011 04:51

Bonjour,
Aujourd'hui, je vous livre l'histoire de la Bounty, sans fioriture, sans prise de parti pour l'un ou l'autre clan. Une histoire consignée dans les carnets de voyage des marins qui ont pris part à cette épopée, mais celle-ci, n'a besoin d'aucun artifice pour en faire une aventure, digne d'un roman.

Sommaire de cette partie
LA BOUNTY HISTOIRE VRAIE
La Bounty : Un départ tardif
Une douceur de vivre, pas au goût de tous
Le feu aux poudres
Mutinerie ou l'histoire d'un record de la marine
Le voyage de Blight
Le destin de Blight

LA BOUNTY HISTOIRE VRAIE

Un départ tardif

A 33 ans, le lieutenant, William Blight reçoit le commandement d'un navire si petit, que ses officiers supérieurs ne voient pas la nécessité de le monter au grade de capitaine. La « Bethia », rebaptisée Bounty titre 226 tonneaux, et embarque à son bord, le 23 décembre 1787, 46 hommes d'équipage. La mission est « simple » : la Bounty doit ramener des plants d'arbre à pain en Jamaïque.

« Bounty » ou traduction de l'anglais : « générosité », allusion au fait que le fruit de l'arbre à pain nourrirait à bon compte les esclaves noirs de Jamaïque. Le lieutenant Blight maîtrise les routes du Pacifique pour avoir participé au dernier voyage de Cook pendant lequel il vit son commandant se faire massacrer par les Hawaïens.

Parmi ses hommes d'équipage, il en est deux que Blight connaît bien : Peter Heywood, dont le père ,ami de longue date, demande que son fils soit embarqué. L'autre a déjà navigué sous ses ordres. Ils apprécient leurs qualités respectives et se sont liés d'amitiés hors des périodes de navigation, partageant les jeux des enfants de Blight, cet autre marin est Fletcher Christian.

La « Bounty » n'est pas prête à temps pour profiter de la bonne période météorologique pour ce voyage. L'équipage paye cher ce retard : il passe 30 jours à tenter de doubler le Cap Horn. Sans succès, Blight décide de cingler vers le cap de Bonne Espérance et de gagner Tahiti via l'Océan Indien. La Bounty parcourt  28 000 milles nautiques au lieu de 16 000 par la voie « normale ».

Les retards, les tempêtes, le manque de nourriture exacerbent les tensions à bord, et si jusqu'au cap de Bonne Espérance aucune punition n'a été infligée à l'équipage, dans l'Océan Indien, le fouet commence à se faire entendre.

Une douceur de vivre, pas au goût de tous
Le 26 Octobre 1788 la Bounty jette l'ancre sous la Point Venus, dans la baie de Matavai. A Tahiti, les tensions se relâchent quelque peu. Le chef local reconnaît Blight et demande des nouvelles de Cook, apprécié de tous les chefs de Tahiti. Blight n'a pas le courage de raconter ce qui s'est réellement passé aux îles Sandwich. Il reste évasif, laissant espérer un retour de Cook. Le départ tardif de la Bounty contraint l'équipage à attendre la bonne saison pour prélever les plants d'arbre à pain, soit cinq mois, pendant lesquels, l'ordre est difficile à maintenir dans les troupes.

Au cours de cette période, Christian et Peter Heywook seront, comme bon nombre de leurs collègues, traités contre les maladies vénériennes. Trois hommes tentent de déserter. Cette pratique était très répandue chez les marins débarquant à Tahiti. Tout au long de ses voyages, Cook, lui-même, avait du mal à repartir avec un équipage complet. Régulièrement, il devait demander de l'aide aux chefs locaux pour récupérer les fugitifs. La sanction était celle prévue par le code de la marine, soit 100 à 150 coups de fouet. Blight, pour sa part,  sévit en infligeant 48 coups de fouet, à deux des trois fugitifs retrouvés.

Enfin, le 5 avril 1789, la Bounty lève l'ancre. Ce séjour aura paru long au lieutenant Blight soucieux de la réalisation de sa mission, et trop court aux membres d'équipage qui ont  apprécié la douceur de vivre de Tahiti et en ont savouré chaque délice à pleines dents. 


Le feu aux poudres


Sur la route des Tonga, la Bounty s'arrête pour faire provision d'eau, dans une île que Blight sait difficile pour avoir rencontré des problèmes avec une population sujette aux chapardages et menaces diverses. Blight envoie, avec l'ordre de ne pas porter d'armes à feu, Christian à terre. Pendant le ravitaillement, Christian est débordé par les insulaires. A son retour à bord, il se fait traiter de poltron par Blight, le ton monte entre les deux hommes. Quelques jours plus tard, une autre altercation éclate, au sujet d'un tas de noix de coco, qui, selon Blight, aurait diminué de moitié. Tandis que Christian admet en avoir pris une, il se voit traité de voleur devant l'équipage au complet. Les tensions entre les deux hommes sont à leur paroxysme, le 29 avril, la mutinerie éclate sur la Bounty.

Mutinerie ou l'histoire d'un record de la marine


Blight est poussé dans une chaloupe non pontée, dix-huit membres d'équipage choisissent de partir avec lui. Christian garde contre leur gré, les charpentiers, car il aura besoin de leurs compétences. Avant de larguer les amarres, Blight tente de ramener Fletcher Christian à la raison, voici les derniers mots (rapportés dans les carnets de Morrison) échangés entre Christian et Blight :
Bligh : « Au nom du ciel, Monsieur Christian, réfléchissez à ce que vous faites. Renoncez à votre entreprise, et il ne sera plus question de rien ».
Christian : « C'est trop tard commandant ».
Bligh : « Non, il n'est pas encore trop tard. Je vous jure sur l'honneur que je ne dirai rien à personne de cette affaire. Je vous donne ma parole qu'on n'en entendra plus parler ». Christian : « Non, capitaine Bligh, si vous aviez eu quelque honneur, les choses n'en seraient pas là. Vous savez bien que vous m'avez traité comme un chien durant
tout le voyage. Depuis ces quinze derniers jours, ma vie a été un enfer et je suis décidé à ne plus le supporter ».

Les destins des deux hommes se scindent lorsque la chaloupe s'éloigne vers l'ouest et que la « Bounty » retourne dans l'est.

Le voyage de Blight

Les mutinés laissent un équipage de dix-neuf personnes dans une chaloupe qui ne peut pas en contenir autant pour une route océanique. En effet, ce petit navire non ponté mesure seulement 23 pieds de long (7 mètres), 7 pieds de large (3 mètres) , et  moins de 3 pieds de profondeur. Pour « améliorer » le sort des infortunés, Christian cède « deux mâts avec leurs voiles, quelques clous, une scie, une demi-pièce de toile à voile, quatre petites pièces contenant cent vingt-cinq litres d'eau, cent cinquante livres de biscuit, trente-deux livres de porc salé, six bouteilles de vin, six bouteilles de rhum, la cave à liqueurs du capitaine, voilà tout ce que les abandonnés eurent permission d'emporter. On leur jeta, en outre, deux ou trois vieux sabres, mais on leur refusa toute espèce d'armes à feu. » (extrait des voyages extraordinaires de Jules Vernes)

Ce chargement aurait suffi pour atteindre les premières colonies espagnoles des parages. Mais Blight, n'a qu'une idée en tête : rendre compte à l'amirauté britannique de la mutinerie et entamer des poursuites contre les révoltés. Il choisit donc, de rallier l'île de Timor à plus de 3000 milles nautiques des Tonga, première escale où il serait susceptible de trouver une nation alliée de l'Angleterre.

Le 29 avril, Blight retourne sur l'île de Tofoa, où il veut compléter ses vivres, afin d'optimiser ses chances de réussite. La population, déjà mal disposée à l'égard de l'équipage de la Bounty, qui avait débarqué quelques jours plus tôt, se montre particulièrement vindicative à l'égard des occupants de la chaloupe. Finalement, le 2 mai, les autochtones se montrent si hostiles que Blight ordonne de reprendre le large. Il laisse sur la plage, un marin, John Norton, lapidé par les insulaires. Les dix-sept marins survivants doivent souquer sur les avirons pour se dégager de la hargne des indigènes.

Blight fait le compte des provisions. Il façonne à l'aide de noix de coco, une petite balance et dresse le menu draconien qu'il infligera à ses troupes jusqu'au Timor : 60 grammes de biscuit et un quart de litre d'eau par jour et par personne. La pêche reste infructueuse durant toute la traversée. Le manque de place, à bord est tel que Bligh divise  ses hommes en deux bordées : une moitié des hommes se tiendra assis, pendant que l'autre moitié pourra se reposer en position couchée.

Le 3 mai, une tempête fait rage. L'embarcation, dont le franc-bord se trouve à fleur d'eau, manque plusieurs fois de couler. Il faut écoper en permanence, se séparer du peu d'affaires dont ils disposent. Le mauvais temps les assaille pendant plus de quinze jours, où l'équipage, trempé, épuisé de fatigue, grogne et demande des rations plus importantes de nourriture. Mais Blight au contraire les restreint davantage.

Le 27 mai, Blight et ses hommes franchissent la grande barrière de corail. Là, sur une île, ils chassent des oiseaux pélagiques et trouvent de nombreuses huîtres ainsi que de l'eau douce. Blight reste ferme dans son commandement. Il est jugé si dur par certains de ses hommes qu'il manque de peu d'essuyer une deuxième mutinerie. Nombreux sont affaiblis par la traversée depuis les Tonga, ils auraient péri de faim sans cette escale. Ils n'ont pas tout a fait le temps de se remettre, et déjà, ils reprennent le large.

La traversée depuis Nouvelle-Hollande (l'actuelle Australie), vers Timor, n'est qu'une répétition des affres de la première.
Enfin, le 12 juin, ils touchent Kupang au Timor. Ils y trouvent une petite colonie hollandaise qui met tout en oeuvre pour remettre sur pied les dix-huit hommes très affaiblis par les souffrances qu'ils viennent de subir pendant 43 jours (ou 47 jours, selon les témoignages).

Blight par sa traversée établit un record. Sans jamais faillir, de mémoire, sans carte, sans boussole il a parcouru avec ses hommes 3620 milles nautiques, dans des conditions extrêmes, manquant d'abri, d'eau et de nourriture. Les rescapés ne doivent leur salut qu'aux qualités exceptionnelles d'un navigateur, qui a su trouver sa route, dans un océan méconnu et difficile. Ils doivent également leur survie à son caractère intransigeant et rude qui a su préserver l'essentiel pour ne pas céder au désespoir et à la panique, tout en maintenant une discipline inflexible.

Dans les années 1980, un lointain descendant de Blight, originaire d'Australie, tenta de rééditer l'exploit. Il arma une chaloupe et partit des Tonga en direction du Timor, mais la mésentente, le manque de confort et de nourriture mit rapidement fin à « l'aventure »

Un record nautique, certes, mais un fiasco humanitaire certain

Ce record nautique ne doit pour autant pas masquer, les dégâts humanitaires. Si, Blight ramène dix-sept hommes vivants au Timor, cinq d'entre eux meurent dans les semaines qui suivent leur atterrissage. Les causes des décès sont directement ou indirectement liées à un état d'affaiblissement subi pendant la navigation. Ainsi, le premier à passer, est le botaniste et ami fidèle de Blight, David Nelson. Il meurt à Kupang le 20 juillet 1789.

Le 20 août, Blight arme un petit navire à voiles, pour rallier un port où il aura plus de chance de trouver un embarquement vers l'Europe. Il effectue le trajet avec son équipage vers Batavia sur Jakarta.  Ils y parviennent le 1er octobre 1789. L'équipage subit un climat si malsain que tous les membres y compris Blight contractent le paludisme. Trois marins trop affaiblis n'en réchapperont pas : Peter Linkletter, Thomas Hall, William Elphinstone.

Le 16 octobre, Blight trouve pour les 13 rescapés un embarquement à bord du navire hollandais, le SS Vlydte. En route vers le Cap de Bonne-Espérance, Blight perd un cinquième marin : Robert Lamb.

Douze membres d'équipage de la Bounty, parviennent avec Blight, à Portsmouth le 13 mars 1790.

Immédiatement, le récit des souffrances que l'équipage a enduré depuis les Tonga « excite la sympathie universelle et l'indignation de tous les gens de coeur. » (Jules Vernes)

Blight est salué en héros par ses supérieurs, ainsi que par le public qui lit ces lignes dans le Gentleman's Magazine : "les malheurs qu'il a endurés lui donnent droit à toutes les récompenses".. Un navire « punitif » est dépêché à Tahiti. La Pandora est armée, à son bord, le commandant Edward Edwards a pour mission de ramener les mutinés en Angleterre.

Le destin de Blight

Rapidement après son retour, Blight se voit confier le commandement de la Povidence. Sa mission est la même que sur la Bounty. Il a la mène à bien en 1792, emportant vers la Jamïques, 3100 plants d'arbre à pain.  Quelques années plus tard, Blight est envoyé en Nouvelle-Galles-du-Sud en Australie où pendant 18 mois, il assume les charges de gouverneur. Il se distingue une fois de plus, par son arrogance et sa brutalité qui lui valent une rébellion sanglante. Il s'en sort, et finit sa carrière en tant que vice amiral.

Il laisse de ses nombreux voyages, des carnets publiés par l'amirauté.

A plus, pour la suite de cette saga
Nat et Dom
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Sommaire du prochain épisode

Le destin des mutinés

Retour sur Tahiti et scission des mutinés
Les Mutinés de Tahiti, les jours heureux
Les mutinés de Tahtit, le pain noir
Une goélette solide!
La cour martiale de Londres
Le jugement est rendu le 18 septembre.
Le destin de Blight