Colombie_Gracias y Hasta luego Reinaldo
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Objet : Comportement des Occidentaux en
pays perdu de Colombie
Photo : Reinaldo et le
moussaillon
Bonjour,
Nous quittons l'immense mouillage de Guairaca avec
tristesse. Notre ami, Reinaldo qui se comporte en patriarche avec nous, a la
larme à l'oeil... Pour moi, les larmes sont dans mon coeur, surtout au
moment où il nous demande :
«Cuando regressan?»
Quand revenez-vous ?
Nous sommes les seuls qu'il a vus revenir 3 fois dans sa
baie, il pense que nous reviendrons. Il fait des plans et nous dit que son
terrain peut être partagé en deux pour que nous y bâtissions notre "cabane en
Colombie". Mais, à présent, notre route va vers l'ouest. Et à moins de
faire tout le tour de la planète pour revenir..., il se peut que ce soit la
dernière fois que nous embrassions Reinaldo. C'est la vie... C'est le
voyage. Que d'au revoir déchirants parfois !
Que de visages, que d'amis que nous tenons au chaud dans
notre coeur! Que d'affections partagées!
Mais il faut voir le côté heureux aussi. Nous avons
appris de nos expériences passées le climat qui règne sur les côtes de Colombie
et la fenêtre météo fut, cette fois, généreuse. Un vrai
boulevard!
Un message de notre ami pour les navigateurs à
venir
Au moment de partir, Reinaldo se confie à nous. Il est
triste de voir le comportement de certains bateaux. En effet, certains équipages
viennent se reposer plusieurs jours à Guairaca, sans même descendre à terre et
saluer la population. Les Colombiens sont très peinés de ce comportement. Déjà
Maria Louisa de Cabo de Vela s'était confiée à nous de la même manière. Les
Colombiens savent que leur pays est réputé dangereux, et ce, à cause des milices
armées qui sévissent dans la jungle. Mais dans les villages de pêcheurs, les
habitants sont tout ce qu'il y a de plus paisibles. Lorsqu'ils voient des
bateaux arriver en rangs serrés poser l'ancre et repartir sans même adresser un
signe de la main, les habitants, rentrent la tête dans les épaules et boivent
leur tristesse dans la lie de l'indifférence des Occidentaux.
Les Colombiens sont chaleureux et accueillants et
lorsqu'ils voient les Occidentaux les ignorer, ils prennent cela pour de
l'arrogance. Certains sont conscients de la peur qui anime les visiteurs et ça
les peine d'autant plus. A l'inverse, lorsque leurs hôtes manifestent leur joie
d'être en Colombie, ils deviennent démonstratifs et heureux. Un chef de taxi qui
me demandait si j'aimais la Colombie m'a dit à ma réponse affirmative
:
«Je me sens heureux lorsque des Occidentaux viennent dans
mon pays et s'y sentent bien. Je ferai toujours tout pour qu'ils se sentent à
l'aise. Je suis fier de mon pays. Ici tout le monde est “bienvenudo con cariño”
(bienvenu avec toute notre affection)
Autre chose... J'ai vu des équipages ne descendre au
village de pêcheurs que dans le but d'y laisser leurs poubelles. Ils viennent de
Curaçao ou d'Aruba, cela fait à peine une semaine qu'ils sont en mer. Ils font
de leurs déchets un grand sac noir, qu'ils ficèlent du mieux qu'ils peuvent. Ils
arrivent, ils jettent l'ancre, sans même se renseigner sur ce qu'ils
trouveront à terre, ils arrivent en annexe avec leur gros sac plastique
noir.
Je crois rêver!!!!
Vous imaginez comme cela peut être offensant pour la
population ?
Avant d'arriver à Carthagène, tous les mouillages ne sont
que des baies de pêcheurs extrêmement éloignées de la moindre ville. Partout sur
la côte de Colombie, les plaisanciers sont accueillis pour se reposer, mais
cette nation n'a pas les moyens d'assurer le ramassage des ordures aux quatre
coins de son pays. Avant de débarquer vos gros sacs d'ordures, demandez-vous si
la population est capable de gérer vos déchets ? Surtout que vous n'êtes pas
seuls au monde et qu'il y a d'autres bateaux, avant et après vous, qui
s'arrêteront dans le village. Que fera un Reinaldo avec les poubelles ? Il en
fait quoi, lui qui balaie la terre battue devant sa cabane en bois pour que ce
soit présentable quand vous lui rendez visite ? Il en fait quoi alors qu'il n'y
a pas de service de ramassage ? Et vous le prenez pour quoi ? Un éboueur
?
Moins grave, mais représentatif du manque d'adaptation des
visiteurs. Deux bateaux hollandais arrivent avec des enfants. Ils veulent
visiter le parc national de Tayrona. Ils demandent à Reinaldo d'organiser une
excursion en Jeep ou minibus. Reinaldo garde le sourire, et leur explique qu'au
village personne n'a de voiture, et que le parc est une réserve où il n'y a
qu'une seule route qui mène à Santa Marta vers trois plages, Nenguangé,
Guairaca et Concha. Tout le reste du parc est laissé à la nature, sans le
moindre sentier. Reinaldo peut faire venir une voiture de Santa Marta. Tout le
monde se rappelle notre virée à Santa Marta. Mais si c'est seulement pour se
rendre à 2 km de Guairaca ça va revenir cher à l'équipage. Reinaldo leur propose
de les emmener, pour une balade à pied et plus démocratique, dans le site
précolombien adossé au village. Il leur dit qu'il ne veut pas d'argent,
que contre quelques conserves de viande, de l'eau potable et un chandail
pour rémunération, il le fera avec plaisir. Mais le capitaine hollandais
lui répond qu'il n'a pas assez à manger pour lui-même à bord pour partager avec
Reinaldo...
Bref, ce capitaine n'a rien compris, il est parti
fâché, disant haut et fort que Reinaldo ne veut rien faire pour faciliter la
tâche des touristes...
Touristes... oui, ils le sont, et pour de bon !
La Colombie ne s'ouvre à la plaisance que depuis deux ou
trois ans. Les habitants sont heureux de voir ce nouvel intérêt pour leur
patrie. Il est probable que face à l'affluence récente des navigateurs, l'ordre
des choses va changer. Les autorités, elles-mêmes ne savent pas encore comment
gérer le flux et va certainement adapter sa règlementation douanière dans les
mois ou les années à venir. Quels que soient les changements à venir,
il faut espérer qu'au 21e siècle, les Occidentaux se
comporteront avec plus d'intelligence, plus de sens d'adaptation et
d'observation qu'ils l'ont fait jusqu'ici. Développer une philosophie
donnant-donnant, dans le respect des habitants est le seul comportement
qui vaille la peine. Les gens d'ici ont tout un mode de vie à nous
enseigner. Nous avons tout à apprendre... Malheureusement, trop de navigateurs
croient exactement l'inverse !
Abrazos y cariño
Natalia y Domingo
Quelques détails sur la navigation à
venir :
Nombre de milles jusqu'à Rodadero
: 12 milles (nous ferons sans doute escale afin de gérer
au mieux le passage du fleuve Magdalena qui doit se faire de jour en raison des
nombreuses pluies qui ont charrié de nombreux objets flottant dans
l'embouchure) Leur locale : 9H Prévisions météo : la Sierra Nevada est encore le théâtre de nombreux orages. Ils restent cantonnés aux sommets et tournent autour des baies. Le vent est annoncé nul pour samedi. Mais dimanche et lundi, il semblerait qu'il soit un peu plus vaillant. La mer reste calme. |