ILE DE PAQUES_8_Le déclin de la civilisat ion mégalithique_photo

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Thu 21 Apr 2011 02:13
declin_rapanui_etoiledeluneSommaire du jour :
Le déclin de la civilisation mégalithique
Le premier contact avec l'extérieur
Ce qu'il reste de l'île en 1722
Peut-on parler d'écocide ou nom d'une mégalomanie religieuse?
Les Rapanui auraient-ils délibérément scié la branche sur laquelle ils étaient assis?
Etat des lieux par les navigateurs européens
Fin de message : photos issue du Musée Englert de l'île de Pâques

Bonjour,
Les navigateurs européens du dix-huitième siècle sont les premiers à rapporter des descriptions de l'île de Pâques. Que ce soit Roggeveen (1722), Cook (1774) ou Lapérouse (1786), tous voient d'étranges manifestations mégalithes dressées sur des socles de pierres sur une terre dépourvue de forêt. Dès lors, l'île de Pâques devient un point d'escale pour de nombreux navires.


Le déclin de la civilisation mégalithiquedeclin_rapanui_etoiledelune


Le premier contact avec l'extérieur


La configuration de Rapa Nui, son éloignement de toute autre terre donnaient, peut-être, la sensation, aux premiers habitants, d'être "seuls au monde". Lorsqu'en 1722, ils virent le navire de Roggeveen, malgré les conditions météo dangereuses, les insulaires n'hésitèrent pas à rejoindre le bâtiment dans leurs frêles esquifs : "Le temps étant très mauvais et instable avec de l’orage, une forte pluie et un vent de nord-ouest, le débarquement sur l’île fut retardé. Le matin suivant le capitaine Bouman vit, venant de l’île et se dirigeant vers son bateau, une barque avec un homme complètement nu, ne portant rien sur lui. Celui-ci paraissait très heureux de nous voir et admirait nos bateaux."

Après plusieurs siècles de "solitude", les Rapanui reprennent contact avec le reste du monde. Les observateurs consignent ce qu'ils observent.

Ce qu'il reste de l'île en 1722
declin_rapanui_etoiledelune
A cette époque, le rite du Moai existe encore, et Roggeveen le décrit comme suit : "Nous observions qu’ils faisaient des feux devant de grandes statues de pierre et qu’ils s’asseyaient sur leurs talons, penchant la tête et levant et abaissant leurs mains. Ces grandes statues de pierre nous étonnèrent. Nous ne pouvions comprendre comment ces gens dépourvus de grosses poutres de bois pour fabriquer quelques dispositifs, et de même dépourvus de forts cordages avaient pu ériger ces statues, lesquelles avaient plus de 30 pieds de hauteur avec une épaisseur en proportion."

Entre 1200 et 1722, la physionomie de l'île a été complètement bouleversée. La forêt a disparu et les Moai ont été érigés.  Sans arbres, les habitants sont privés de matière capable d'acheminer leurs gigantesques statues. Si les causes de la déforestation sont sujettes à controverses, la résultante est immédiate. La construction des Moai prend fin. Mais, la population fait preuve d'ingéniosité quant à sa survie. Elle continue, dans un climat désertique, à cultiver les aliments que les ancêtres avaient amenés avec eux. Ils plantent les bananiers, la canne, les différentes racines à l'abri des vents violents qui assèchent tout. Ils s'ingénient à convertir les tunnels de lave, les grottes en abri alimentaires.

En outre, les Pascuans ne disposent plus de matières premières pour construire de grandes pirogues capables de traverser les océans. Les navigateurs européens s'étonnent de trouver des pirogues faites comme des puzzles. "En regardant leurs bateaux, nous les trouvions fragiles étant donné l’usage qu’ils en faisaient. Leurs petits canots sont faits de petites planches avec à l’
intérieur de légères poutres liées ensemble avec des fils torsadés faits de la plante déjà nommée « piet ». Mais comme ils ne connaissaient pas les matériaux pour calfater leurs barques, ils étaient obligés de faire un grand nombre de coutures pour imperméabiliser la coque, les rendant inutilisables pendant un temps assez long. Les canots ont 10 pieds de longueur et une proue pointue ; leur largeur est telle qu’ils peuvent juste s’asseoir à l’avant pour pagayer."

La déforestation, outre le manque de matériaux de construction et de bois de chauffage a entraîné une érosion de la terre, il n'y a plus guère que les cratères comme réserves d'eau douce, et les insulaires sont contraints de récolter de l'eau saumâtre filtrée par le sable. Les premiers navigateurs européens se détournent de cette terre, où il n'est pas possible pour eux de refaire le plein d'eau, qu'ils jugent imbuvable.
declin_rapanui_etoiledelune
Peut-on parler d'écocide au nom d'une mégalomanie religieuse?


Certaines études parlent d'une hypertrophie religieuse qui aurait entraîné les ancêtres rapanui au suicide écologique. Ces théories de déclin programmé permettent à ceux qui les divulguent de mettre en parallèle le destin des rapanui et celui des humains du vingt et unième siècle. Hubert Reeves est de ceux qui défendent ce point de vue : "(...)., les populations ont décliné, la faune et la flore disparaissaient. Différentes tribus vivaient alors sur l'île et faisaient en quelque sorte un concours de la plus grosse statue de pierre, les maois, qui font la notoriété de l'île. Ces statues nécessitaient de prélever des pierres énormes. De couper les arbres afin de les transporter jusqu'au site où elles étaient installées. Bientôt, les habitants n'ont plus eu assez de bois pour construire des bateaux et pécher. Un scénario catastrophe qui pourrait se produire à l'échelle de la terre, s'il n'y a pas une conscience d'environnement assez forte. Il faut tirer les leçons du passé et savoir prendre des décisions ».

Les Rapanui auraient-ils délibérément scié la branche sur laquelle ils étaient assis?
declin_rapanui_etoiledelune
La réponse au déclin pascuan est sans doute moins tranchée, plus à fouiller dans un concours malheureux de circonstances. Il est probable qu'à l'aune de chaque génération, la déforestation n'était pas manifeste et consciente. Il est probable également que le peuple polynésien avait pris dans ses îles d'origine des habitudes dilapidatrices favorisées par un climat tropical qui pardonne toutes les erreurs. En effet, sur les îles de Polynésie (sauf Tuamotu), tout pousse sans trop d'effort, la nature y est particulièrement prodigue. Les habitudes de ce peuple étaient incompatibles avec un écosystème moins résistant, plus sujet aux bouleversements humains et climatiques. Autre grande différence, avec leurs îles d'origine, chaque parcelle de terrain de Rapa Nui est accessible, au contraire des vallées inextricables (encore aujourd'hui) des îles hautes de la Polynésie. Ainsi, la nature n'avait aucun endroit pour se protéger de l'exploitation humaine. En outre, certaines études tentent de démontrer que le climat (successions trop rapides de phénomènes niño ou niña) a lui aussi provoqué de longues périodes de sécheresse.

Etat des lieux par les navigateurs européens

Entre 1722 et 1786, quatre grandes expéditions s'arrêtent à Rapa Nui, la première largement abordée, est hollandaise avec Roggeveen. Puis, les Espagnols abordèrent Rapa Nui en 1770. En 1774, c'est au tour de James Cook et enfin, en 1786 Lapérouse.

En 1722 Roggeveen trouve une population saine et nombreuse : "Ces gens ont un corps bien proportionné, d’assez grande taille, paraissant vigoureux et bien musclés. Ces gens ont les dents, blanches comme de la neige et une bonne dentition. Même les vieilles personnes aux cheveux gris que nous pouvions observer croquaient de larges coquilles dures, aussi épaisses que nos noyaux de pêches."  En 1770 les Espagnols venus, de la vice-royauté du Pérou, estimèrent sa population à 3000 âmes.
declin_rapanui_etoiledelune
En 1774, soit près de cinquante ans après Roggeveen, Cook, décrit la population comme chétive, ne présentant pas plus de 600 habitants. Mais il est démenti par Laperouse qui compte près de 1200 habitants et de bonne constitution. Ce qui est important dans le témoignage de Lapérouse, c'est son observation quant au culte des Moai :"Tous ces monuments qui existent aujourd'hui paraissent fort anciens. On peut douter que la forme de gouvernement actuel n'ait tellement égalé les conditions qu'il n'existe pas de chef assez considérable pour qu'un grand nombre d'hommes s'occupe du soin de conserver sa mémoire en lui érigeant une statue. On a substitué à ces colosses des monceaux en pyramide, mausolées qui sont l'ouvrage d'une heure pour une personne." Sans plus de motivation et de bois, l'un des navigateurs de passage remarque que les "ahu" ne sont plus entretenus.

Au dix-huitième siècle, la fin des Moai est largement consommée. Leur culte sera remplacé par un autre que nous aborderons dans le prochain épisode.

Note anecdotique : Sur la célèbre photo de Lapérouse prenant des mesures du Moai, un Rapanui est représenté en train de lui voler son chapeau. Clin d'oeil des équipages de l'Astroloabe et de la Boussole au tempérament chapardeur des Rapanui. Tout comme en Polynésie, tous les navigateurs européens témoignent de ce comportement, parfois avec agacerie, le plus souvent avec une certaine tendresse et admiration pour leur "savoir-faire". Cook en parle en ces termes : "Ils pratiquent le vol et la tromperie dans les échanges, avec autant de ruse et d'habileté que tous les autres peuples de ces mers."

A plus, Nat et Dom
www.etoiledelune.net

Sources
Courtoisie : Archives d’Etat de Hollande Journal de Jacob Roggeveen Découverte de l’île de Pâques.
Article paru dans l'Yonne Républicaine, le lundi 28 août 2006. Causerie annuelle d’Hubert Reeves à Malicorne
Ecocide de l'île de Pâques : quelle datation et quelle leçon : …futura-sciences.com
centerblog.net/6069127-exploration et dégradation de l'île
Les manuscrits des anciens – Lorena Bettocchi
JF de Lapérouse "Voyage autour du monde" sur l'Astrolabe et la Boussole
James Cook Relation de voyages autour du monde


JPEG image

JPEG image

JPEG image