Navigation vers Marquises_ jour4_horizon chaotique_168

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Tue 20 Apr 2010 22:03
05:06.55S 98:46.94W
Position à heures Temps universel
Soit heures locale (zulu)

Conditions : Musclées (prévisions à 48 heures plus forte encore, les flèches de vents sont passés au rose vif avec 25 soutenu annoncé)
Vent :SE 25 noeuds (rafales à 30)
Mer :très formée 15 pieds à dominance sud est croisant une houle de sud ouest
Temps : alternance de nuages et de soleil

Navigation :
Nombre de milles en 24 heures : 190
Nombre de milles parcourus :574
Nombre de milles restant :2431
Cap suivi: 251
Allure :Travers
Vitesses : 7,3 moyenne
Temps estimé d'arrivée :14 jours (à conditions égales)

Bonjour,

Si le premier jour de navigation fut presque idyllique, depuis ces 24 premières heures, les éléments n'ont cessé de monter crescendo remplissant nos vies tranquilles d'une cacophonie et de vertiges cahoteux. Notre anémomètre, ce menteur invétéré, ne révèle que 25,9 noeuds. Précision inutile... Il a toujours été d'un tempérament optimiste et fantaisiste. Lors du Cyclone Emily, tandis que l'aéroport de Grenade mesurait 90 noeuds soutenus, il affichait joyeusement 48 noeuds. Après tout, il a raison, rien ne sert d'affoler les troupes.

La mer, quant à elle, dément notre grand naïf confiant de tête de mât. Elle affiche son humeur sans fard. Elle s'enroule à ne plus finir en grosses crêtes blanches. Elle tisse autour de nous, un labyrinthe de vagues. Elle nous entraîne dans le creux de ses rouleaux où disparaît l'horizon. Du haut de ses crêtes, je respire et retrouve une vue dégagée. Mais dans le fond, sous le niveau de l'horizon, ni L'Etoile, ni moi n'aimons cette perspective restreinte. Tandis que je grogne, L'Etoile se rebiffe et part au lof. L'avant pointe le nez au vent, l'arrière surfe sur le bout de rouleau blanc et les passe-avant baignent dans un bouillon d'écume jusqu'aux winchs. Tout le matériel du bord en profite pour cogner, grincer, gicler...

On a beau tout ranger, tout caller, les objets se rebellent et jaillissent hors de leur calfeutrage.

Ha le monde du silence...
Parlez-m'en...
Celui qui a utilisé cette expression pour la mer n'est jamais monté dessus!

Nos vies se résument à l'essentiel. Nous ne nous sentons plus si humains, nos jambes ne nous servent plus à rien. J'envie Miss Caroline qui se mouvait sur son ventre hissée par ses nageoires ventrales. C'est bien mieux adapté à la vie de bateau que notre maudite station debout! Nous nous callons assis ou coucher, attendant que les humeurs de Messieurs les Elements passent.

Malgré ce traitement disgracieux, du haut de chaque vague, je plonge mes yeux dans le fin fond du bleu de l'horizon. Et il me semble entendre une petite voix me dire :
"Tu déclares depuis tant de temps que tu aimes traverser les océans... Mais jusqu'où es-tu capable de m'aimer?"
Cette petite voix a mille fois raison. Malgré l'inconfort, qui est l'unique désavantage de notre situation, je ne peux m'empêcher de le trouver beau...

L'océan a cette faculté unique, que même de mauvaise humeur, il reste superbe, magnifique.

Que dit Dom de tout cela?
Il dort au moment où je vous écris. Pendant sa quête de récupération, je recherche mon équilibre. Quand il se réveillera, nous échangerons nos rôles, et je me glisserai dans les draps qu'il a chauffé pour oublier un peu de ce chaos et rêver aux Marquises.

A plus, pour un autre clin d'oeil du bord
Nat et Dom
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