Tuamotu_Ahe_la vie d atoll au rythme des goelettes
EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Fri 26 Nov 2010 02:58
Nous venons de vivre une journée extraordinaire, placée sous le signe des cadeaux à répétition. Tant et si bien que ce soir, nous devons nous pincer pour voir si nous n'avons pas rêvé...
Nous calquons notre quotidien sur rythme des Paumotu, habitants des Tuamotu. Ils ne connaissent ni l'heure, ni le jour... Mais ils savent quand la goélette arrive. Ahé est une île qui a de la chance, nous dit le Mutoi (Policier) de l'île. Cette chance est due au fait que goélette passe une fois par semaine. Le ravitaillement est donc fréquent sur cette île. Plus loin, vers le sud, certains atolls ne voient venir l'approvisionnement que tous les deux mois, quand il reste du temps ou du fret à bord des goélettes.
La goélette c'est un petit cargo de faible tirant d'eau qui peut franchir les passes. Anciennement, le rôle de fret était tenu par des vraies goélettes, des navires mixtes à voile et à vapeur. Les navires d'aujourd'hui ont gardé ce nom, par habitude plus que par tradition. Le jour du fret, les habitants des motus qui encerclent l'atoll viennent tous au village. Ils traversent la mer intérieure d'un jet de hors-bord. Ils apportent les coquilles vides des huîtres perlières, qui seront envoyées en Chine ou en Asie. La nacre sera traitée là-bas pour devenir des bijoux ou des boutons. Dans le sens inverse, les nucléus qui serviront de greffon des huîtres perlières viendront du Japon. Les fermiers viennent chercher leur paquet, renfermant en général 250 nucléus. Ceux-ci valent une fortune : 2000 euros le lot.
La vie s'anime au bord du quai. Tout le monde est là. Eugène, le propriétaire de la ferme "Tematie Perles" (Perle verte) me repère avec mon petit appareil photo. Il me dit :
"Tu vas parler de Ahé?"
"Oui"
"C'est bien, il faut amener du monde ici... Tout le monde souffre de ne voir passer personne."
La crise frappe durement les Tuamotu et l'industrie de la perle. Pour autant, le Paumotu garde une générosité au bord du coeur. Une famille de la ferme Maruata, dans le Nord de l'atoll, s'approche de nous. Patrick plonge la main dans un sac, il me dit de tendre la mienne. Interloquée, je m'exécute machinalement. Il me glisse une poignée de quéshis, des petites perles dont la forme est variable. Elles se vendent environ 400 francs pacifiques le gramme. Me voyant stupéfaite, d'un grand sourire, il rajoute une autre poignée, dans laquelle se perdent quelques perles de belle facture.
"Oui, mais que veux-tu?"
Rien, rien... Juste, il est content de nous rencontrer, de voir qu'un bateau s'arrête enfin dans leur atoll. Il veut partager un moment sur la plage avec nous, sa femme et ses copains. Ils sont un peu éméchés, c'est la fête, quand la goélette passe. Mais il n'a pas perdu la tête. Patrick explique toute la chaîne de production des perles. L'achat des nucléus, si chers. Puis l'appel d'un Japonnais qui introduira le greffon dans l'huître. La mise en place dans le lagon à 5 à 7 mètres de profondeur. Et l'attente, pendant 15 mois. Pas plus, car plus les greffons restent immergés dans l'huître, plus la perle se ternit.
Nous quittons cette bande de joyeux lurons, les mains pleines... Ils passeront plus tard au bateau, où nous rendrons la politesse par d'autres cadeaux : lunettes de soleil, vêtements, et toute forme de don qui leur va. Pas d'alcool, ce n'est pas dans notre philosophie de troc. Ils l'ont compris et n'exigent rien.
Plus loin sur la place commune, Faia nous interpelle. C'est une vieille grand-mère édentée. Elle vend des firiri, des pains ronds à base de noix de coco, de farine et lait de coco. Elle nous fait signe d'approcher, elle veut nous donner quelque chose. Nous sommes gênés, elle nous remplit un sac complet de firiri. Nous voulons la payer, car elle en fait son commerce. Elle refuse avec énergie. Elle veut simplement nous les offrir pour qu'on sache ce que c'est.
Décidément, c'est un vrai jour de fête!!!
Tant de gentillesse, une générosité si simple, presque timide et pourtant inimaginable. Les gens des atolls ne croulent pas sous l'or, loin de là. La vie est dure par ici. Mais, ils donnent à l'étranger ce qu'ils ont, ce qui leur passe par la tête.
A plus pour d'autres nouvelles des Tuam's
nat et dom
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