Bonjour,
Le dimanche matin est un moment particulier de la vie des îles des
Tropiques. Partout, il règne une ferveur à se rendre à la messe.
Celle qui n'existe plus même dans nos campagnes occidentales.
Celle qui, aujourd'hui encore, réunit dans les îles, les membres
de familles endimanchées, ravis de discuter sur le parvis de
l'église. Dans la Caraïbe, nous admirions les petites filles,
vêtues de froufrou de satin, coiffées de couettes et leurs maman s, si fièrement mises de robes de madras ou en tissus
chatoyants. Toujours si belles, si rayonnantes, leurs Créoles en
or dessinant leurs oreilles. Les hommes, l'air aussi pincé que
leur pantalon repassé et leur chemise blanche, suivent dignement
le cortège de volants et de dentelles soulevées par l'alizé. Dans
les pays latins, nous avions perdu ce cérémonial endimanché, la
décontraction vestimentaire y est pratiquée autant que la prière.
En Polynésie française, nous retrouvons une
population fervente et endimanchée.
Les
vahinés à la fleur de l'âge domptent leur chevelure débridée dans
de sévères tresses qui s'échappent de chapeaux blancs au liseré
bleu. Leurs formes assujetties dans un monacal chemisier blanc,
fermé d'une cravate bleue serrée au cou. Les jupes unies cachent
les genoux. Heureusement qu'il y a 7 jours aux semaines, et qu'il
en reste 6 aux filles, pour laisser leur imagination s'enflammer
dans un flot incandescent de fleurs d'hibiscus sur tissus de
couleurs vives!
Mais ne nous emballons pas. Aux abords de l'église, les jeunes
filles, le front recueilli, consentent au plus puritain idéal du
protestantisme. Une vraie gravure de la belle Rarahu chantée par
Pierre Loti, dans son si célèbre mariage.
Indubitablement, les Anglais ont laissé de grosses
cicatrices dans l'art dominical. Ils ne sont pas seuls à
subordonner l'art vestimentaire de la population. Aujourd'hui
encore, protestants et catholiques se
partagent, à égalité, 76% de la population de Polynésie française. Les autres églises sont moins fréquentées, mais
pour autant, elles façonnent, elles aussi le mode de vie de la
population. Ainsi, les Mormons ou l'Eglise de Jésus Christ des
Saints des Derniers Jours rassemblent 6.5% de la population,
tandis que les adventistes en réunissent 5.8%. De plus petites
églises, comme les Sanito (Communauté du Christ), Témoins de
Jéhova existent aussi. Quant aux autres obédiences (Judaïsme,
bahaïsme, bouddhisme...) elles se partagent 5.3% du reste des
insulaires. Au jour du culte, une seule coutume réunit tout ce
petit monde: le chapeau!
Si les jeunes filles sont engoncées dans leur tenue
religieuse, les femmes d'âge plus mûr, quant à elles, s'offrent
des toilettes du dimanche beaucoup plus recherchées. Bien que "ce
si joli sein au bouton doré si rebelle au corset", comme dirait
Monsieur Loti, reste sagement voilé, la mise stricte des juniors
est jetée au diable! (Pardon, je m'emporte...) Fi donc des
uniformes, le blanc aveuglant, trop virginal s'adoucit. La
fantaisie rejaillit. Sur les tissus, en imprimé ton sur ton,
l'hibiscus s'immisce dans le culte pastoral. L'expédient ingénieux
concilie la prière aux frivolités des parures. Quel plus beau
moyen pour sortir du rang que le chapeau? Les femmes polynésiennes
excellent dans l'art du beau. Et cet art s'exprime en virtuose
dans leur couvre-chef ! Car ici, les ordres viennent de haut... de
plus haut que le prêche, de plus haut que la croix... Ils
jaillissent de ces coiffes insensées, qui chaque dimanche tutoient
les nuages. Broderies, tressages, dentelles de pandanus, voici les
femmes couvertes, mais avec quelle majesté!
Le
blanc de rigueur s'alanguit entre le lait caillé et le beige
sucré. Une note de couleur vive attire l'attention. Mais bien sûr,
madame aux origines chinoises fêtera bientôt l'année du lièvre.
Une guirlande rouge s'échappe négligemment de la conception
immaculée. Le blanc, tant prôné par les missionnaires, s'égare à
la moindre distraction. D'une mousseline vaporeuse s'échappe, non
pas le bleu sans vie requis, mais un bleu électrisé par le génie
du chapelier. Voyez, là-bas, ces perles d'un moiré remarquable, ce
lacet d'or qui les unit, dans une capeline ajourée. Et ci-devant,
quelques violettes viennent agrémenter la coutume.
Je ne sais d'où vient cette pratique du chapeau, mais elle me
paraît, par tant d'ostentation, faire un clin d'oeil magistral
(pour ne pas dire un bras hasardeux) aux préceptes des
missionnaires. Et du coup, les messes s'apparentent à de
délectables parades dominicales.
Ha! Le tempérament polynésien n'a pas fini de nous surprendre!
A plus, pour d'autres clins d'oeil de Tahiti...
Nat et Dom
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