Panama_San Blas_le Paradis en peau de chagrin?

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Wed 30 Dec 2009 17:05
Panama_Archipel des San Blas

Objet : Le Paradis, une peau de chagrin ?

Photos :
Huttes les pieds dans l'eau à East Lemon Cay
Grignotage de littoral aux Hollandes
Plage réduite et troncs de cocotiers sur la plage de Coco Bandero
Déracinement de cocotiers
Lemmon Cays la disparition d'une île
Chichime un restant d'île

Bonjour,

A l'énoncé des photos que je vous soumets aujourd'hui, j'avais envie de renoncer à vous parler de quelques petites observations que nous avons faites tout au long de notre séjour aux San Blas. Non pas que je veuille biaiser la réalité, mais je n'ai pas la réponse à mes questions.

Voici une entrée en matière bien sibylline ! Courage et je me jette à l'eau... vous allez comprendre l'objet de mes réticences.

Depuis que nous sommes arrivés aux San Blas, nous utilisons le guide de Eric Bahaus. Il est excellent, sans doute l'un des meilleurs guides de la Caraïbe. Ce qui le rend extrêmement lisible, ce sont ses cartes et ses photos vues d'avion. Rien de plus pratique pour se frayer un chemin au travers du labyrinthe de récifs coralliens. Plus nous potassons ce guide, et plus nous le comparons à la réalité, plus nous sommes obligés d'admettre que les îles rapetissent.

Sur les photos, tous les îlots sont sertis d'une large plage. Mais aujourd'hui, celles-ci sont presque inexistantes. A marée haute, il est impossible de se balader à pieds secs. A marée basse, un fin filet de sable doré nous laisse parfois gambader. La partie au vent des îles est jonchée de troncs, de cocotiers déracinés ou couchés. Rien de plus photogénique que le mythique cocotier penché au-dessus de l'eau turquoise, me direz-vous. Et vous avez raison, c'est très beau. Mais lorsque l'inclinaison est telle qu'il finit par faire le grand plongeon, et à se noyer, là, ça me fend le coeur.

Surpris de nos constatations, nous avons interrogé les bateaux présents depuis plusieurs années, ou ceux qui sont venus il y a 3 ou 5 ans et qui reviennent. Nous avons aussi discuté avec les Kunas. Et en fin, nous comparons nos photos de 2007 à ce que nous observons en 2009. Nous sommes forcés d'admettre que la physionomie de l'archipel est en train de changer. Je ne suis pas là pour rabâcher des conclusions pessimistes ou culpabilisantes. Je ne fais qu'observer, rapporter des images et des commentaires glanés dans les différents pôles de pensées.

Quelle est la cause de tels bouleversements?

En tout premier lieu, la mécanique des fluides autour des îles a toujours engendré la perte des cocotiers au vent et la naissance de cocotiers sous le vent.

Les îlots des San Blas sont de type corallien. Sur un sol de sable, bas sur l'eau, des cocotiers prennent racine dans peu de sable, et donc ne stabilise pas le sol autant que le feraient des arbres à racines profondes. Il est donc facile aux vagues de grignoter un morceau d'île. La mer qu'elle monte ou qu'elle se mette en colère, pousse des gros rouleaux de vagues sur la partie au vent des îles. Le sable par les courants autour de l'île est emporté de l'autre côté de l'île, donc sous le vent. Cette mécanique explique pourquoi, au vent des îles, des cocotiers sont déracinés et sous le vent de jeunes cocotiers trouvent un nouvel espace. L'île rongée par les coups de boutoir se déplace à la façon d'un mille-pattes. Elle pousse sous son vent tandis qu'elle se rétracte au vent.
Pourquoi des grands cocotiers déracinés ?
Vous l'aurez compris, c'est que lorsque la mer mange une partie d'île, celle-ci est fort ancienne, c'est celle qui a un moment donné était sous le vent, puis au centre, puis en première ligne face à la mer. C'est donc là que sont les cocotiers les plus anciens.

Deuxièmement
Des Kunas nous ont affirmé que le phénomène de montée des eaux était cyclique. Tous les trente ans, leurs huttes pataugent, paraît-il?

Troisièmement
Il y a deux ans, au mois d'août, l'archipel a été frappé par des vents d'une violence inhabituelle. Ces vents ont déraciné de nombreux cocotiers (ceux-ci ne possèdent pas de racines suffisantes pour résister aux tempêtes). Les vagues ont dévoré le sable des plages pour ne plus jamais le restituer.

Voici déjà trois raisons qui expliquent la disparition d'un socle de sable par essence fragile. Mais qui n'explique pas complètement le phénomène de remontée des eaux.

Loin de moi l'idée de faire la grande scientifique. Je ne le suis pas. Je ne suis pas sourde et j'entends les voix culpabilisantes, parler de montées des eaux. Je ne suis pas assez inculte pour ignorer que des changements climatiques ont secoué notre belle planète, et ce, de manière cyclique et depuis des millénaires.
Que pouvons-nous faire si notre Terre a décidé de se réchauffer?
Le climat est-il seul responsable de la montée des eaux?
L'homme est-il capable, à lui seul d'engendrer de tels changements, à lui tout seul ?
Et si c'était une combinaison de facteurs qui en étaient la cause?
Je suppose que chacun de nous a son opinion et sa connaissance en la matière. Je suppose aussi que les grands industriels du monde entier possèdent sur leur bureau des données précises sur le sujet. Ils ont en main toutes les clés et sans doute les remèdes à mettre en place d'ici peu pour redresser la situation si cela était possible.

A vrai dire, dans ce dossier délicat je me range du côté des Kunas, qui ne posent pas la question de "c'est à qui la faute?". Qui observent leur milieu se transformer. Qui se disent qu'à leur échelle, ils ne peuvent rien changer et qui envisagent des positions de replis, des solutions...

Le résultat de tout cela?

Les îles au vent sont les premières touchées et les Kunas ont parfois dû quitter leur hutte et chercher d'autres îles moins touchées. Certains îlots qui abritaient, il y a cinq ans, dix familles sont réduits aujourd'hui à de minuscules tas de sable, où il ne subsiste plus que quelques planches et un tronc de cocotier pour rappeler leur existence. D'autres huttes sont jour après jour plus exposées à la mer. Des familles de East Lemon cays, avaient si bien les pieds dans l'eau qu'elles ont dû reconstruire leur hutte, plus loin à l'intérieur de l'île. Mais aujourd'hui, il ne reste de leur île qu'une bande de sable et à nouveau ils sont envahis par l'eau. Elles nous racontaient que pendant l'été, où l'eau était plus haute qu'au mois de décembre, ils vivaient au rythme des marées. L'eau était si haute, qu'elles devaient attendre la marée basse pour allumer le foyer et se faire à manger. En décembre, leur qualité de vie s'est "améliorée" puisque la hutte n'était plus sous eau, elle était très très très près de l'eau.

Quoi qu'il en soit. Quelles que soient les raisons de ces changements de niveau d'eau. Nous voyons les Kunas, résignés faire, défaire et refaire leurs huttes... Ils trouvent chaque fois le moyen de se reloger et pensent que ce n'est là qu'une manifestation de plus de mère Nature. Cette nature qui est au coeur même de leurs croyances et de leurs traditions. Et si la mer devait réellement monter trop et faire disparaître leurs îles, ils se retrancheraient dans la montagne. Ils possèdent, heureusement, une bande d'une vingtaine de kilomètres de large sur 270 km de long, de quoi loger au milieu d'une forêt généreuse en fruits, racines et gibiers les 34 000 âmes du peuple kuna.

Espérons que les habitants, d'autres archipels aux mêmes configurations, trouvent, eux aussi, des positions de replis, s'il le fallait...

A plus pour d'autres nouvelles
Nat et Dom

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