TAHITI_tour de lile_ARUE_saga BOUNTY_les Mutiné de Tahiti

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Tue 8 Feb 2011 03:13
  Bonjour,

Après vous avoir parlé de James Norman Hall, héros humble au grand coeur qui écrivit avec son ami Nordhoff, "Les Révoltés de la Bounty", nous avons évoqué la vraie histoire, dégagée de toute subjectivité, de ce navire et de ce qu'il advint du Lieutenant Blight. Aujourd'hui, nous nous préoccupons du destin des mutinés. Qu'arriva-t-il après qu'ils aient rebroussé chemin dans le Pacifique?

Sommaire de cet épisode
Le destin des mutinés
Retour sur Tahiti et scission des mutinés
Les Mutinés de Tahiti, les jours heureux
Les mutinés de Tahtit, le pain noir
Une goélette solide!
La cour martiale de Londres
Le jugement est rendu le 18 septembre.

Le destin des mutinés

Après son demi-tour dans le Pacifique Sud, la première escale de la Bounty se nomme Tubuai, dans les Australes. Lors de leur premier passage, les mutinés prennent des repères pour un établissement futur. Puis, ils retournent sur Tahiti, où ils expliquent à la population qu'ils reviennent chercher des vivres pour James Cook (Blight étant resté à ses côtés). Ce mensonge leur est facile, puisque Blight ne leur avait pas appris sa mort. La Bounty est chargée de bétail que les insulaires sont heureux d'offrir à leur ami « immortel », le grand Cook.

Sur Tubuai, les insulaires diffèrent de ceux de Tahiti. L'accueil est plus rude, en outre, Fletcher Christian commet la maladresse de se faire « taio » (alliance solennelle) avec deux chefs ennemis de l'île, ce qui est perçu comme une trahison de part et d'autre. Alors que les mutins construisent un fort, les relations avec les autochtones se tendent. De provocations en échauffourées, Christian est forcé d'engager ses hommes dans un combat inégal. Soixante guerriers de Tubuai et six femmes trouvent la mort sur le site qui plus tard sera baptisé « la baie sanglante ». Les échanges sont désormais impossibles avec le peuple des îles australes, ceci force les mutins à un retour sur Tahiti.


Retour sur Tahiti et scission des mutinés

Le 22 septembre 1789, la Bounty revient s'ancrer dans la baie de Matavai à Tahiti. Elle y demeure moins de 24 heures. Le temps de débarquer 16 mutinés et d'embarquer 12 femmes tahitiennes ainsi que 8 Tahitiens. Christian coupe les amarres avec l'intention de découvrir un monde « à l'écart du genre humain ». 

Les Mutinés de Tahiti, les jours heureux

Les révoltés bénéficient de 18 mois de « vacances » tahitiennes. Ils participent à l'activité des insulaires, découvrent un mode de vie hors des carcans de l'Occident et s'y conforment. Cette partie de l'aventure est contée par James Morisson. Il est le second-maître de la Bounty. Dans ses carnets, il s'emploie à décrire au quotidien la vie des Tahitiens. De l'avis des ethnologues ses récits surpassent ceux de ses prédécesseurs. James Morrison possède « un don d'observation et de compréhension en avance sur son époque ». Du fait de la longueur de son séjour, il a pu décrire des moeurs et coutumes aujourd'hui disparues, ses témoignages sont donc une source historique précieuse.

Le séjour des Anglais se déroule dans une bonne entente générale avec les Tahitiens, les mutinés reçoivent des égards tels que certains sont admis en tant que « taio » (ami intime) des chefs les plus puissants de Tahiti. Il en est ainsi pour Charles Chrurchill, adopté par Vehiatua II, l'un des descendants du grand chef qui avait supplanté le clan des Teva. Vehiatua II était le beau-frère de Pomare I. A sa mort, selon la coutume, son « taio » lui succède. Charles Churchill est alors promu chef d'un des clans les plus prestigieux de Tahiti. Ceci aurait pu marquer l'Histoire de Tahiti, si quelques jours après son « sacre » Churchill n'avait été abattu par Thomson, un comparse de la Bounty, jaloux des honneurs qui lui avaient été rendus. Par solidarité clanique, Thomson est à son tour, abattu par les Tahitiens.

En 18 mois, les mutinés parviennent, avec l'aide des Tahitiens, à construire une goélette, gréée de voiles en écorce de « purau » (le tapa) qu'ils nomment « Matavai ». Je raconterai le destin de ce navire plus loin, il vaut le coup!

Les mutinés de Tahiti, le pain noir

Le 23 mars 1791, l'arrivée de la Pandora sonne le glas du bonheur des mutinés. Le commandant Edwards Edwards récupère les 14 marins anglais survivants. Tous ne s'étaient pas mutinés, puisque certains d'entre eux, dont Peter Heywood avaient été retenus contre leur gré sur la Bounty. La liste de ces hommes loyaux avait été transmise par Blight, mais Edwards n'en tient pas compte et inflige le même traitement à l'ensemble des marins. Il enferme les 14 fautifs dans une cage en fer de 5,4m sur 3,6m. Ils y croupissent, nus et enchaînés pendant cinq mois.

Le commandant Edwards est, non seulement, plus tyrannique que Blight, mais il est, en prime, piètre navigateur. Il dirige son navire sur les récifs d'Australie. Trente et un membres d'équipages périssent noyés ainsi que quatre prisonniers dont deux portent encore des menottes. Tous auraient péris, sans la pitié du second maître d'équipage, William Moulter, qui, contre les ordres de son supérieur, libère les prisonniers de leurs chaînes alors que le bateau sombre.

Le 29 août 1791, Skinner, Sumner, Stewart et Hillbrandt périssent noyés. Le reste de l'équipage parvient, à l'aide de quatre chaloupes, à gagner le Timor.

Une goélette solide!


Les mutins ont l'immense joie d'y retrouver leur goélette : « Matavai », construite lors de leur séjour à Tahiti. Le commandant Edwards avait voulu s'en servir comme gabarre. Elle avait été rebaptisée Résolution, et navigua de conserve avec la Pandora jusqu'aux Samoa. Mais une tempête sépara les navires. Les dix hommes d'équipage échappèrent de justesse aux ambitions carnassières d'un groupe de Samoans. Par la suite, ils naviguèrent à l'écart de toute terre, ils arrivèrent assoiffés, à moitié morts de faim au Timor. L'ex-Matavai était un bon bateau qui eut un bien meilleur sort que ses concepteurs. Elle fut offerte au gouverneur du Timor qui la vendit à un trafiquant de fourrure qui sévissait entre l'Amérique et la Chine. En 1797, la goélette servit de bâtiment hydrographique, et sauva l'équipage du Providence, navire en perdition au large de Formose... Ironie de l'histoire : la Providence était le navire qui emmena Blight, en 1792, à Tahiti, lors de ce second voyage, il réussit sa mission et amena en Jamaïque 3100 plants d'arbres à pain.

La cour martiale de Londres

En 1792, dix mutins de la Bounty parviennent à Londres. Leur procès en cour martiale commence immédiatement. Blight en est le seul et unique témoin. Ses carnets faisant foi, les mutinés n'ont que peu d'arguments pour se défendre. Les récits de Blight, ne font, naturellement, pas état de sa tyrannie. Cependant, les témoignages à ce sujet, et surtout ceux de James Morrison ou du vieux Adams, divergent sensiblement en la matière. Mais Adams a disparu et Morrison est muselé dans sa cellule.

Le jugement est rendu le 18 septembre.

Thomas Ellison, Thomas Burkett, John Millward et William Mispratt sont pendus. Quatre hommes (Charles Norman, Joseph Coleman, Thomas Macintosh et Michael Byrn), que Blight avait désignés comme innocents, sont acquittés. Peter Heywood, le fils de l'ami de Blight, est jugé coupable, mais pardonné. Plus tard, il assumera le grade de capitaine. James Morrison est déclaré coupable, mais il sauve sa peau, de justesse, brandissant ses notes prises au cours du voyage. Il menace de les publier et  de dévoiler, sur la place publique les dessous de l'affaire, les agissements de Blight et sa responsabilité dans la mutinerie. Il est finalement gracié, et reprend du service dans la marine britannique. Il sera porté disparu en 1807, à 46 ans, lors du naufrage du Bleinheim. Ses écrits, censurés par Blight, puis par la marine nationale ne seront publiés et traduits que tardivement, soit en 1966, par la  Société des Océanistes.

A plus, pour la suite
Nat et Dom
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Prochain épisode
Les mutinés de Pitcairn

Une société modèle sur les bases de destins troublés
1793 Pitcairn : la mutinerie des Tahitiens
L'établissement d'une société idéale
Le devenir de la descendance des mutinés