Grain du soir_ espoir.Etoiles filantes de nuit_ ARRIVEE A TAHITI _photos

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Thu 2 Dec 2010 01:43
17°34.717S 149°37.149W
Position du mouillage à Tahiti

Rapport de navigation : avons parcouru 280 milles nautiques en 72 heures, ce qui donne un moyenne de 3.9 noeuds (55 heures de voile et 17 heures de moteur). Malgré que le vent nous ai manqué sur la fin du parcours, très belle navigation dans l'ensemble, beau soleil, mer belle (houles longues de Nord, de Sud est, de sud ouest parfois le tout en même temps)

Bonjour,

Nous avons clôturé le mois de novembre, dans une atmosphère particulièrement zen. Vent faible, mer belle, passage de fous curieux et notre Etoile joue les poissons-pilotes pour le banc de petits fidèles qui nous a suivis pendant plus de 24 heures. Mais bientôt, hélas, nous devrons lâcher cette petite troupe à son sort dans le vaste océan...

La vie à bord se saucissonne entre contemplation, lectures et discussions au sommet de l'équipage sur les projets à venir. Nous laissons les journées s'étirer sur le long tapis bleu de l'océan. Le temps n'a plus aucune signification. Au soir, un grain passe et nous donne l'espoir d'une brise qui nous pousserait pendant la nuit. Quelques gouttes nous offrent un double arc-en-ciel, un rideau de pluie tel un voile de mariée tombe du ciel. Il frôle notre Etoile et s'échappe vers le soleil couchant.

Très vite, la nuit est envahie d'étoiles, nous nous relayons dans le cockpit sur le grand disque paisible. Le vent nous abandonne, il faut se résoudre à enclencher le moteur. Il ronronne et trace sa route, droite vers Tahiti. Le cockpit est un peu trop bruyant, j'ai perdu l'habitude, et je m'installe sur le rouf, le dos callé, la tête dans les étoiles. Depuis, le début de notre voyage, j'ai une requête que j'envoie de temps en temps vers le firmament :
"Papa, envoie-moi des étoiles filantes."

Cela faisait bien longtemps que cette petite phrase ne m'était pas venue à l'esprit. Soudain, une étoile file. Magique, discrète, telle un mirage... L'ai-je rêvée? Pour me confirmer que non, une autre s'enfuit d'une constellation à l'autre, scintillante, lourde et laissant une trace rémanente. Puis, une autre, instantanée, fugace... Chacune selon son style, traînant, court, long, évasif ou foudroyant se succède dans le quart sud-ouest du ciel.
Quel plaisir de les débusquer!
L'impression à chaque fois de recevoir en cadeau un bonheur vif, entier... universel, mais à la fois, presque égoïste. Suis-je la seule à t'avoir vue? Y avait-il d'autres regards pointés en cette fraction de seconde vers toi?

Dom revient pour son quart, il est temps de sombrer dans deux heures de sommeil. Puis à nouveau reprendre le quart. Il est presque quatre heures du matin. A l'est déjà, les premières lueurs du premier jour de décembre. L'étoile du point du jour, placée sous le croissant de lune jette son éclat froid sur le pont. Toutes deux, résistent face l'assaut fauve du lever. Le soleil tapi dans une forêt de nuages mauves, lézarde sous l'horizon. Jour et nuit se bataillent le ciel jusqu'à ce que la lune et son étoile abdiquent. Je vais me coucher...

Le bourdonnement du moteur me berce, Dom veille à l'approche. Quand je me lève, Tahiti est là, plantée sur l'océan. Il est 8 heures du matin, il fait 38° dans le cockpit et pour rien au monde je ne cèderais ma place, contre un palais climatisé! Quelle chance!
Quelle belle chance que d'arriver par si beau temps. Les sommets se dévoilent sans pudeur. Quelle silhouette! Au risque de céder au plus ancien mythe de notre planète, je succombe, après tant d'autres aux charmes de ce que les premiers navigateurs nommèrent dans un lyrisme exacerbé : "la nouvelle Cythère". Celui qui m'a le plus fait rêve de Tahiti, c'est James Cook. Il aimait tant ce coin de Pacifique qu'il y est revenu 3 fois aux frais de Sa Majesté. Il y avait des bons copains, des chefs maohis, qui échangeaient leurs noms avec lui, le nommaient Taio (ami)...

Nous sommes au large de la pointe Venus, nommée ainsi par ce cher Cook, qui lors de son premier voyage, observa le passage de la planète à l'aplomb de ce cap. C'était le 3 juin 1769. Il avait à son bord, nombre d'observateurs et de scientifiques, dont Charles Green.

Entre Cook et nous, 241 ans. Les gorges profondes, les pics acérés, le manteau végétal généreux, tout y est, comme à l'époque. En deux siècles et demi, un cordon de maisons en béton a poussé en lieu et place des huttes en pandanus. Mais ce chapelet de modernité qui égrène les versants littoraux de la pointe Vénus à Papeete ne me choque pas. C'est l'évolution normale des temps. La marque que l'humain laisse derrière lui, avec plus ou moins de bonheur.

Nous pénétrerons bientôt dans la passe Nord qui donne accès au lagon de Papeete. Bientôt, nous logerons à la bouée que nous prêtent nos amis, partis vers les Australes. Nous serons au coeur de la civilisation. Depuis le départ de Panama City en février dernier, c'est la première fois que notre étrave retrouve une grande ville. Ce passage nous remettra au goût du jour...

A plus pour des nouvelles de Tahiti
Nat et Dom
www.etoiledelune.net

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