Marquises_Nuku Hiva_Hakaui_Cascade et sauvetage d un chat

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Mon 15 Nov 2010 21:28
08:56.70S 140:09.87W

Objet : Hakaui, au sud ouest de Nuku Hiva, l'un des endroits les plus étranges qui soient. Et sauvetage d'un chat...

Bonjour,

Nous sommes à Hakaui, pour découvrir la cascade de Ahuei. Depuis le mouillage, nous pénétrons avec le dinghy dans une rivière, nous le laissons sous la bonne garde des quelques habitants de la vallée et nous partons pour un minimum de 5 heures de marche aller et retour. Si les parois de toutes les montagnes environnantes sont roussies par le soleil, le village entortillé autour des méandres d'une rivière est vert, généreux de fleurs et de fruits. Une oasis en plein désert!

A 1/3 du chemin aller, nous trouvons dans la forêt, un ancien lieu de culte, surmonté d'un vieux tiki et ... un chat qui déboule de derrière le tiki. Une offrande des Dieux, à mon âme esseulée au beau milieu des montagnes noires!

Les chats sauvages déguerpissent à la vue d'étrangers. Lui, il se débrouille, pour se mettre dans mes pieds, et m'entraver à chaque pas. C'est un petit chat tigré gris. Un bébé, d'un mois ou deux, maximum. A force de trébucher, je me penche, et le prends dans mes bras. Il arrête de miauler à me fendre le coeur, et il ronronne. Dom se retourne et me lance un oeil noir. Il craint que nous n'ayons pas le temps d'arriver à la cascade. Il faut laisser ce chat-là ! Là... Là, là... Facile à dire. Vous y arrivez, vous, à abandonner ces beaux yeux teintés d'or et de supplications ?

Tout en cheminant, nous tombons sur une rivière avec un fort débit. Je pose le chat et je me dis qu'il ne pourra pas me suivre. Que la rivière l'arrêtera, et que si au retour, il est toujours là, c'est que je dois l'adopter.

Le petit chat miaule sur son rocher, je l'entends malgré le boucan de la rivière. Et... Il saute d'une pierre à l'autre, se retrouve au milieu de la rivière, et se jette à l'eau pour me suivre. Là je reviens vers lui. Dom bougonne et me dit de lui lancer des pierres pour le décourager. Cette suggestion me range aussitôt dans le camp du petit chat. Je décroche l'appareil photo que je tiens en bandoulière, je le lui tends. Puisqu'il veut faire des photos de la cascade sans eau... Qu'il y aille. Je retourne vers le petit chat tout mouillé, je le prends dans mes bras. Il ronronne. Mais comme je me dirige vers la rivière, pour rebrousser chemin, il ouvre de grands yeux, s'agrippe à mon bras, et ne ronronne plus. Nous traversons ensemble la rivière. Il ronronne sur l'autre berge.

Mon idée est de retourner vers le rivage où il y a quelques maisons habitées. Sans doute qu'une personne charitable sera heureuse de trouver un chasseur de souris. Je fomente dans ma petite tête, un plan d'adoption. Le retour s'effectue dans une effusion de câlins. Le chaton me déploie le grand jeu de la séduction. Nous passons pas loin d'une jument et de son petit. Son hennissement fait sursauter mon protégé. Plus loin, un chien aboie. Non... Ce ne sera pas cette maison-là. Avec ses grosses dents, il n'en ferait qu'une bouchée.

Je m'arrête sous un manguier, pour réfléchir à la situation. Dom est totalement réfractaire à l'adoption, et moi, je veux avoir le coeur serein, certaine d'offrir un avenir à ce petit chat. Dans l'ombre fraîche, il s'endort sur mon bras, il pétrit ma cuisse de ses petites griffes. Il ne serait pas raisonnable de l'enrôler comme moussaillon... Pourtant....

Je me lève avec mon maigre fardeau, et me dirige vers les maisons. A l'aller, nous avions rencontré, une veille dame, Félicité, avec un chapeau garni de coquillages et un beau sourire. Je me dirige vers son jardin, le chaton se réveille. Il saute de mes bras, s'élance vers le jardin de la vieille dame...

Il était sans doute allé trop loin dans la forêt. Ou alors, il s'est offert un taxi bien pratique pour le retour. Je me sens soulagée. Je rebrousse chemin, et me voilà guillerette pour parcourir à bonne allure les 2H30 de marche sur le sentier qui me mène à la cascade. Les oiseaux gazouillent, les rivières aussi.

Au bout du chemin, je retrouve Dom. Il revient de la cascade sans eau. De bonne grâce, il me montre le chemin qui devient boueux. Au pied d'un écriteau mettant en garde contre des ce huttes de pierres, il me tend un casque. Nous nous faufilons entre deux falaises et pénétrons dans un canyon. Nous cheminons dans un décor hallucinant.

Le bruit de l'eau s'arrête. Seuls les pailles-en-queue crient au-dessus de nos têtes. Lorsque nous regardons vers le haut, le vertige donne la sensation que les falaises parallèles s'avancent l'une vers l'autre et tendent vers le bas, vers nous... Le bruit de l'eau me manque... Nous allons vers l'une des cascades réputées les plus hautes de cette planète, et... rien... Nous n'entendons rien. Les murs immenses, noirs, se referment sur nos êtres minuscules. Ils étouffent tous les bruits. Nous passons d'un versant à l'autre, le silence est lourd d'une étrange et opaque impression. Au bout du labyrinthe, la cascade, n'est plus qu'un filet d'eau. Mais nous ne sommes pas ici pour voir chuter l'eau. Il y a autre chose ici. Ce n'est peut-être pas la plus grande, mais c'est certainement la plus étrange configuration rocheuse que j'ai vue dans ma vie.

C'est inimaginable. Indescriptible. Des encorbellements de falaises noires, des amoncellements de roches aussi hautes que les pyramides, et puis un couloir, dans un canyon. On s'y enfonce dans l'ombre sans plus d'horizon et la seule ouverture se tourne vers le ciel. Il faut lever les yeux, par dessus la nuque, et trouver très haut par-dessus les hauteurs, un bout d'azur rassurant. Tout est si encaissé, si haut que le soleil ne pénètre pas dans cet endroit. Puis, chose jamais vue, la cascade est comme un rideau de théâtre très épais. Elle coule dans un entrelacs de roches, mais elle vient d'un arrière-plan, encore plus haut, qui démarre très en arrière de tout ce décor... Du jamais vu!

Pour être sincère, les Marquises, ce n'est pas une question de goût. C'est une question d'originalité. Ce sont des paysages d'exception, dont je ne pense pas trouver la réplique ailleurs...

A plus, pour des nouvelles du large...
(Partons demain pour les Tuamotu et donnerai position quotidienne et état de la route)
Nat et Dom
www.etoiledelune.net

Epilogue du chat : Au retour de la promenade, vers la fin de l'après-midi, nous retrouvons le petit chat, sous le patio de la vieille dame. Elle me lance toujours ce beau sourire, et me dit que ce chat n'est pas à elle, mais que des propriétaires d'une maison plus bas, l'ont abandonné... Elle le gardera parmi ses chats... Elle a un trop beau sourire pour l'abandonner à son maigre destin. En prime, elle nous offre quelques fruits, des bananes, des papaies...