Marquises_Le Bois de SANTAL en Oc

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Fri 15 Oct 2010 02:45
Bonjour,

Hier, je vous parlais de la sécheresse et des incendies de forêt qui ont ravagé des versants entiers des îles Marquises. Les feux prennent ici de grandes proportions (à l'aune de la taille des îles), car il n'y a aucun moyen de les éteindre. Les pompiers existent, mais ils ne disposent, ni d'hélicoptères, ni de canadairs ou de bateaux-pompes. Ils peuvent à la rigueur éteindre un incendie domestique. Quand la nature est menacée, ils sont réduits au rôle d'observateurs.

Lorsque le feu a pris sur les hauteurs de Hapatoni, Dominique, une femme sculptrice du village, me disait que l'odeur du santal avait empli l'air. Cette essence est devenue rare, pourtant, il fut un temps, où elle abondait dans toute l'Océanie.

La raréfaction du santal est due à deux facteurs. Le premier est son mode de reproduction, le second est la conséquence d'une déprédation orchestrée par les Européens.

Ces arbustes s'implantent dans les ravins inaccessibles et sur les flancs de montagne escarpés. Cette situation scabreuse n'a pourtant pas empêché un trafic intensif, comme on le verra plus loin. Son mode de reproduction ne permet pas d'être cultivé. Cet arbre qui parasite les arbres voisins n'accepte pas d'être transplanté.

Les Marquisiens différencient quatre groupes de santal (Ahi) :
- PUAHI : fleur blanche. Écorce gris noir. Aubier (partie jeune du tronc ou d'une branche située sous l'écorce) blanc et dur. Coeur rouge brun très aromatisé.
- PUAHI KUA : fleurs vertes très parfumées. Bois léger rouge brun au centre.
- PUAHI FITI : écorce épaisse brune. Aubier blanc et dur. Coeur jaune très dur.
- PUAHI AVAAVA : ressemble au puahi fiti mais il est plus odorant (Variété des hauteurs de Hapatoni).

La ruée vers le bois de santal de l'Océanie démarra à la suite des récits de Bougainville (1768) et de James Cook (1769). La description qu'ils firent des richesses des Mers du Sud laissait entendre de plantureux commerces pour les trafiquants. Autrefois, le bois de santal se trouvait en abondance à Hawaii, aux Vanuatu. Les grands pourvoyeurs de l'actuelle Polynésie étaient Tahiti, Rapa dans les Australes et les Marquises. Des bateaux armés en Europe ou aux États-Unis, partaient faire la traite des fourrures sur la côte nord-ouest de l'Amérique et les revendaient en Chine. Sur le chemin, ils s'arrêtaient en Océanie où ils trouvèrent dès 1791 un complément de cargaison grâce au bois de santal. Le trafic s'intensifia aux alentours de 1810, car l'essence se révéla d'une qualité telle que le commerce devint très fructueux. Surtout lorsqu'on pense à ce qu'il coûtait aux contrebandiers : quelques litres d'alcool et quelques fusils. Ce pillage fut de telle ampleur, qu'en 1850, il ne
restait quasiment plus de bois de santal en Océanie.

Avant cette curée, les ma'ohis savaient "épargner" les essences. Ils pratiquaient une large entaille sur le tronc d'un jeune santal (à 1 mètre de sol) pour ralentir son développement et favoriser la formation des parties odorantes du bois. "Les Polynésiens s'en servaient pour réaliser un monoï très recherché appelé monoï ahi (huhe aux Marquises). Ce monoï servait à oindre le corps des malades. La fumée obtenue en brûlant le bois avait le pouvoir de chasser les mauvais esprits ; elle était aussi un remède aux otites." (NeTe Fenua)

Aujourd'hui, le repeuplement du santal est extrêmement lent. Conscient de l'importance de sauvegarder des forêts endémiques des Marquises, un projet d'inscription au patrimoine de l'UNESCO est en cours. Sont mis en avant :
- l'intérêt historique des lieux de cultes ma'ohis
- une nature à sauver.
Personne ne sait, si ce projet aboutira. Certains propriétaires terriens ont peur d'être spoliés foncièrement. Personne ne sait, si l'UNESCO mettra des moyens suffisants pour sauver ce qui peut encore l'être...

Tout le monde essaye, tout le monde est de bonne volonté. Il ne reste plus qu'à se tourner vers le ciel, afin qu'il arrose un peu plus ces terres qui ne demandent qu'à être généreuses.

Au fait, hier, je vous disais que Dom ramenait une belle découverte. Je n'ai plus le temps de vous en parler aujourd'hui. Je vous la réserve pour votre fin de semaine... Et peut-être avec une photo!

A plus,
Nat et Dom
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