Colombie_Au secours... Los mosquitos!

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Sun 8 Nov 2009 17:12
11:08N 74:51W

Objet : Navigation à l'embouchure de fleuve Magdalena

Bonjour,

Nous sommes partis ce matin à 4 h 30, nous avions calculé notre heure de départ en fonction d'une navigation où il était probable que n'avancerions pas à plus de 4 noeuds. Un petit vent est prévu, mais il n'est pas là, et voile/moteur nous progressons tout doucettement vers l'ouest. Nous passons aujourd'hui, le fleuve Magdalena, à hauteur de la ville de Baranquilla. Magdalena est le plus grand fleuve qui débouche dans la mer des Caraïbes. En résulte un courant sud/nord qui vient frapper à angle droit le courant subtropical qui lui court d'est en ouest. Ici, lorsque le vent souffle à plus de 20 noeuds, la mer est courte et haute comme s'il y avait 15 noeuds de plus. Ceux qui ont l'habitude de traverser le Gulf Stream s'imaginent à merveille de quoi je parle. Pour les autres, j'oserais une image, ici dans des conditions d'alizé normal, on aurait plus envie d'attaquer la vague au pic à glace qu'avec l'étrave d'un bateau !

Mais aujourd'hui, petit bonhomme de chemin tranquille pour notre Etoile qui passe le fleuve, comme jamais elle l'a fait. Pas de vent. La mer charrie beaucoup de déchets dans une eau brune. Malgré l'absence de vent, nous naviguons dans un bouillon saumâtre incroyable, c'est une mer qu'on aurait avec 20 noeuds au moins. On surfe!

Mais on ne va pas se plaindre ! C'est l'optimum des conditions dans les parages.

Aujourd'hui, la navigation aurait pu être tranquille, si... nous n'avions pas à livrer un combat inégal livré contre... Une armée entière ! Don Quichotte peut aller se rhabiller, ses moulins à vent c'était de la rigolade !

Cela a commencé pendant la vacation du matin à la radio. Tandis que j'étais en bas, bien tranquillement installée sous la table à carte, les yeux dans les yeux avec mon 14 118 chéri... J'entendais mon homme qui faisait de grands fracas sur le pont. Et bing et bong... Et re bingbong ! Pas dans ses habitudes... Mon capitaine est tout ce qu'il y a de plus placide... Je sors la tête dans le cockpit, les yeux interrogateurs. Il me lance :
«retourne à ta radio, tout est sous contrôle !»
Je pense donc qu'il s'est débattu avec une écoute de génois récalcitrante et que mon vaillant capitaine a vaincu la bête !
La vacation radio s'achève, je reprends mon livre préféré du moment et monte tenir compagnie à mon capitaine. Je m'assois tranquillement à ma petite place préférée... Et... immédiatement je me relève, pris par la danse de Saint Gui... ça pique de partout.
«Mais qu'est-ce qui arrive ?»
Le capitaine, impassible me dit :
«Tu verras, tu t'y feras très vite, je pense qu'on a traversé un nuage de moustiques et qu'ils nous ont adoptés !»
«Tous ?»
«Tous !»
Ha non ! Pas de ça ! Je n'ai pas envie de ressembler à un champignon vénéneux en quelques minutes. J'ai déjà quelques belles enflures rouges qui clignotent comme des gyrophares sur les jambes. Je fonce en bas, là, j'attaque le plan fumigène. OFF sous toutes ses formes : bombes, tortillons, et même les plaquettes ! Le bateau est enfumé. Au moins, ils ne rentreront pas à l'intérieur. Je saisis un seau, et à grandes giclées j'arrose toute la coque à l'extérieur : les petits malins se sont réfugiés côté ombre ! Les tauds sont recouverts de moustiques, c'est par centaine qu'ils tombent sous mes tirs répétés de roquettes salées. Ils se faufilent dans le rabat des hublots ! Dès que nous ouvrirons les hublots, ils envahiront l'intérieur... Je ne les laisserai pas voyager gratis! Pas question !
Je leur livre une guerre sans merci ! J'en sors épuisée ! Ils en volent toujours autour de nous.

Et bing !
Là c'est une baffe du capitaine, je pense qu'il a raté le moustique, et voilà ma joue rouge. Non, mais, c'est eux les ennemis, pas moi !

J'appelle à la VHF le bateau Kelp Fiction, il navigue à quelques milles de nous. Fred, un bon québécois, et son épouse, californienne, s'adonnent à un génocide en règle.
Je me sens déjà moins seule!
Cindy adopte, quant à elle, la méthode Roland Garos. Elle a une raquette électrique. Pour la partie en cours, d'après Fred, Cindy est dans un set gagnant, il compte les morts !
OK je remonte sur le pont. Les miens commencent à ressentir l'effet de la fumée, et, hallucinés ils tombent ventre en l'air sur le pont. Moins fatigant comme méthode, mais allons-nous finir comme eux ? Les cheveux jaunes, les dents vertes et la tête si bien à l'envers qu'on va prendre l'élan "planitique" pour nous propulser plus près des étoiles ?

Au moment où je vous écris, nous naviguons dans l'eau douce. Espérons qu'elle tente nos passagers clandestins pour une petite baignade...

Comment savons-nous que nous sommes dans l'eau douce ?
Non, non, le capitaine ne m'a pas plongé la tête dans l'eau pour que j'y goutte. Mais tout simplement, l'eau de mer a été comme coupée au couteau. La partie verte est restée derrière et sommes dans une eau opaque et brune du fleuve. C'est marrant comme la limite entre les deux se fait sans aucune transition. La coupure est nette et précise.

Hasta la vista
Natalia y Domingo

Nombre de milles parcourus depuis le début de la navigation : 36 milles
Nombre de milles restant à parcourir : 15 milles

Leur locale : 12 h
Temps universel : 17 h
Conditions météo : pas de vent, mer houleuse, courant important.
Température de l'air : 31.5 °C
Température de l'eau : 29.8 °C

Prévisions météo :Peu de vent encore dans les prochains jours. Le ciel est laiteux le jour. Des orages sévissent sur la montagne la nuit.