Aux Marquises, le Grand Jacques

BRAINWAVE
Nicolas
Wed 17 May 2023 22:46

 

pos : 12:42.602 S 143:19.768 W (entre Les Marquises / Fatu-Hiva et les Tuamotu)

 

 

Quand j’étais gamin, mon père, dans son atelier, faisait toujours tourner en continu les disques de Jacques Brel, en peignant ses tableaux, ça l’inspirait beaucoup, j’en suis sûr. C’est là que j’ai entendu pour la première fois et appris à découvrir l’œuvre de cet immense artiste. Bien des années plus tard, comme chanteur et musicien, j’ai interprété du Brel avec l’ensemble vocal composé de cent choristes Café Café de Pierre Huwiler puis, on a monté un spectacle intitulé BREL-AU SUIVANT aves les amis Pascal Rinaldi et notre très cher et regretté accordéoniste Stéphane Chapuis, dans une mise en scène de Christian Debaere, un Belge lui aussi. Donc, avec les années les chansons de Brel je les ai apprivoisées, à ma manière, avec un immense plaisir, elles sont tellement belles et universelles.

Alors, après presque trois semaines d’une magnifique traversée d’une partie du Pacifique sud, en compagnie d’une fine équipe, sur ce merveilleux voilier Brainwave de l’ami Nicolas, imaginez mon émotion quand je suis arrivé aux Marquises et que j’ai posé le pied sur l’ile d’Hiva Oa où repose le Grand Jacques.  Quel cadeau ! Jacques Brel est enterré au cimetière d’Atuona situé sur une colline au-dessus de la ville. Sa tombe donne sur l’immensité de la mer. Des admiratrices et des admirateurs ont écrit un message ou peints une figurine sur un galet, tous posés sur la tombe du Grand Jacques. Avec les amis, nous lui avons rendu un hommage simple et discret en chantant, a cappella, Quand on n’a que l’amour. Don du ciel, la pluie s’est invitée et s’est mise à tomber, c’était vraiment magique.

En ville, à côté de l’Espace Gauguin, il y a l’Espace Brel. C’est une sorte de hangar, très simple, au milieu duquel trône l’avion de Brel, le Jojo, qui a été rénové pour pouvoir être exposé. Il a fier allure le Jojo. On imagine bien Brel faisant des trajets entre ces iles pour rendre de nombreux services à ses habitants. Une série de panneaux expliquent le parcours artistique de l’artiste ainsi que sa vie et son intégration dans Les Marquises. J’ai ici une anecdote simple et drôle à vous rapporter, c’est Jonathan Chastel, notre guide des Tikis, qui me l’a racontée. Son père a vingt ans et vit à Hiva Oa. Chaque semaine, le vendredi soir, Jacques Brel fait à manger chez lui, c’est un excellent cuisinier. Il invite du monde à sa table et d’autres personnes, surtout des jeunes du village, simplement pour boire un verre. A côté de sa maison il y a un petit couvert et lors de l’une de ces soirées, des jeunes, qui ont pris leurs instruments, se mettent à faire de la musique. A la fin du repas, Jacques Brel, curieux de ce qui se joue là comme musique, vient sur le pas de la porte pour écouter. Les jeunes musiciens l’interpellent et lui disent « - il paraît que t’es chanteur toi, alors chante-nous quelque chose ! ». Brel est tout content.  Les jeunes lui passent une guitare que le Grand Jacques s’applique à réaccorder.  Il prend la guitare entre ses bras, met son pied sur une chaise, puis chante l’une de ses chansons. Toutefois, sans avoir le temps de terminer sa chanson, les jeunes lui reprenne la guitare et lui disent : « - mais ce n’est pas assez rythmé, c’est trop triste ta musique ! » et ils continuent à jouer leur répertoire. Brel est heureux de savoir que là il est vraiment inconnu, que personne ne lui fait des courbettes car il s’appelle Brel et que ses chansons ne sont pas forcément appréciées de tous…

Pour terminer ce blog consacré à Jacques Brel quoi de mieux que de lui laisser la parole avec le magnifique texte qu’il a écrit sur Les Marquises et qui figure sur son dernier album.

(Denis Alber)

 

LES MARQUISES (Jacques Brel)

Ils parlent de la mort
Comme tu parles d'un fruit
Ils regardent la mer
Comme tu regardes un puit
Les femmes sont lascives
Au soleil redouté
Et s'il n'y a pas d'hiver
Cela n'est pas l'été

La pluie est traversière
Elle bat de grain en grain
Quelques vieux chevaux blancs
Qui fredonnent Gauguin

Et par manque de brise
Le temps s'immobilise
Aux Marquises

 

Du soir montent des feux
Et des points de silence
Qui vont s'élargissant
Et la lune s'avance

Et la mer se déchire
Infiniment brisée
Par des rochers qui prirent
Des prénoms affolés

Et puis plus loin des chiens
Des chants de repentance
Et quelques pas de deux
Et quelques pas de danse

Et la nuit est soumise
Et l'alizé se brise
Aux Marquises

 

Le rire est dans le cœur
Le mot dans le regard
Le cœur est voyageur
L'avenir est au hasard

Et passent des cocotiers
Qui écrivent des chants d'amour
Que les sœurs d'alentour
Ignorent d'ignorer

Les pirogues s'en vont
Les pirogues s'en viennent
Et mes souvenirs deviennent
Ce que les vieux en font

Veux-tu que je te dise
Gémir n'est pas de mise
Aux Marquises

 

 

JPEG image

JPEG image

JPEG image

JPEG image

JPEG image

JPEG image

JPEG image

JPEG image

JPEG image