49ème jour de mer. Distance
parcourue (sur le fond) depuis Linton : 5058 NM NM ( à 23h59). Distance du jour
(sur le fond) de minuit à minuit: : 91 NM.
Éloignement en direct de
Linton : 4355 NM (8065 km) et distance en direct de Camaret: 100 NM (1852
km).
Bonjour
Effectivement vers 03h00,
le vent ne dépassant pas les 4 kts réel, j'ai mis en route la risée diésel. Le
problème de l'enclenchement de l'inverseur en marche avant n'est pas résolu car
ça n'a pas été immédiat et seule la marche arrière s'enclenche bien!!
Comme je m'approche du
plateau continental, je croise de plus en plus de bateaux de pêche. Je m'efforce
de serrer le peu de vent au mieux pour avec 2000t/min avoir une vitesse fond
entre 4 et 5 kts en fonction du vent et du courant.
Vers 11h15, alors que je
suis entouré de bateaux de pèches et quelques cargos, un bi-turbopropulseur
Atlantique de la base militaire de Lorient me survole. Dix minutes plus tard il
me resurvole à très basse altitude.
A 16h30 j'aborde le haut du
plateau continental au Nord du "Haut Fond de la Chapelle" à 150m de
fond.
A 20h15 le "SEA WOLF", un
navire de 180 m x 20 m qui ressemble à un bateau océanographique me double sur
bâbord à mois de 1/2 NM. à destination de Harlingen en Hollande.
A 23h50 le vent soufflant
de plus en plus d'Est, je vire sur bâbord amure pour ne pas trop remonter au
Nord car ensuite demain, le vent reviendra du SO. Et cela permet d'être plus
perpendiculaire au rail descendant qui approche.
Bonus du jour
: Voici un excellent résumé de l'histoire et de l'éthique des CELTES
par
Pascal Cazottes
LES
CELTES
Le mot même de « Celtes »
résonne dans notre mémoire collective à la manière d’un
coup de tonnerre. A
la seule évocation de ce nom, vient s’imposer l’image de grands
guerriers,
combattant pour la plupart torse nu, riant des blessures infligées
par
l’ennemi et se moquant encore davantage de la mort. Nous imaginons
également un
peuple vivant en parfaite harmonie avec la nature, comme ces «
peaux-rouges » qui
subirent, d’ailleurs, un sort à peu près similaire à celui
des Celtes. Enfin, nous ne
pouvons évoquer les Celtes sans songer à ces
hommes vénérables, portant une
longue barbe et tout de blanc vêtus, qui
coupaient le gui à l’aide d’une serpe d’or lors
de cérémonies à connotation
apparemment animiste.
Cependant, la réalité est
sans doute bien plus complexe qu’il n’y paraît. L’ennui, avec
les Celtes,
c’est que nous ne connaissons que très peu de choses à leur sujet. La
faute
en revient aux Celtes eux-mêmes qui ne nous ont laissé aucune source
écrite. Bien
entendu, nous avons les récits des auteurs latins, qu’ils aient
été ou non
contemporains. Mais nous ne pouvons regarder ces textes sans une
certaine
défiance, surtout lorsqu’ils proviennent d’ennemis déclarés à la
cause celte, comme ce
fut le cas pour Jules César. Toutefois, les vestiges
archéologiques nous ont donné
quelque matière à réflexion. Et surtout, nous
avons les manuscrits irlandais du haut
Moyen-Âge, sans lesquels nous serions
pratiquement ignorants de la mythologie
celtique.
Dans ce qui va suivre, nous
allons essayer de percer ce qui convient d’appeler le
« mystère celte ». Les
pièces que nous livrons au lecteur sont, il est vrai, celles d’un
puzzle
incomplet. Elles nous permettront, néanmoins, de mieux comprendre
cette
affirmation d’Aristote : « La philosophie a commencé chez les Celtes et
la Gaule a été
l’institutrice de la Grèce. »
Les Celtes, ou les Galates
comme les appelaient les Grecs – ce dernier nom
correspondant au mot latin
Galli (les Gaulois) – entrèrent officiellement dans l’histoire
aux VIIIème et
VIIème siècles avant Jésus-Christ, soit au début de « l’Âge du Fer
».
Jusqu’au IVème siècle avant J.-C., leur installation en Europe s’était
toujours effectuée
de façon pacifique, se mêlant aux populations autochtones
et partageant avec elles
culture et technologie. Dès la fin du Vème siècle
avant J.-C., la colonisation se fit plus
brutale. C’est ainsi que l’Italie
vit déferler sur son territoire de nombreuses hordes
venues de la Gaule
Transalpine, soit de notre France actuelle. D’après Tite-Live, c’est
un
excédent de populations qui jeta sur les routes quelques 300.000 Celtes en
quête
de nouveaux territoires. Si l’on s’en rapporte à l’Histoire ou à la
légende (ne pouvant
déterminer avec précision à quelle catégorie
appartiennent les faits que nous allons
rappeler), Ambigat, le roi des
Bituriges, fut confronté à un risque réel de famine au vu
du nombre toujours
croissant de bouches à nourrir. Pour résoudre ce problème, il
n’eut pas
d’autre choix que celui d’ordonner un exode massif. Il demanda donc à
ses
deux neveux, Ségovèse et Bellovèse, de s’exiler avec toutes les
populations qui
dépendaient d’eux. Un oracle intervint et indiqua la voie à
suivre à chacun des
neveux. Ségovèse dut prendre la route qui conduisait à la
forêt hercynienne, alors
que Bellovèse prenait la direction de l’Italie. Une
autre version, celle de Pline, veut que
ce soit un artisan helvète qui, de
retour de Rome où il avait exercé son art, incita ses
compatriotes à venir
profiter d’un climat plus propice après leur avoir montré des
figues sèches,
du raisin et des échantillons d’huile et de vin. Toujours est-il que
les
premiers Gaulois parvenus de l’autre côté des Alpes semblent s’être
installés sans
heurt, car la Cisalpine comprenait déjà des populations
celtes. Cependant, à un
moment donné, les choses se sont aggravées, soit à
cause de l’arrivée de troupes
gauloises trop importantes, soit suite à des
conflits locaux auxquels les Gaulois
prenaient part en tant que mercenaires.
Leur réputation de guerriers sans peur avait
effectivement précédé les
Gaulois qui se voyaient engagés, tour à tour, par les
Etrusques, les Grecs ou
encore les Carthaginois.
En ce qui concerne la prise
de Rome par les Celtes, survenue en 386 avant J.-C., on
subodore que ce
fameux événement est la résultante de la perfidie d’ambassadeurs
romains
venus apporter leur soutien à une cité étrusque en guerre avec les
Sénons
(peuple celtique originaire du bassin de l’Yonne). Ces derniers, sous
la conduite de
leur chef, Brennus, s’élancèrent donc vers la ville éternelle.
Arrivés à quelques
kilomètres de Rome, au confluent de l’Allia et du Tibre,
se présentèrent devant eux les
légions romaines, composées de troupes de
nouvelle levée et commandées par des
chefs plus orgueilleux que compétents.
Au premier choc, les légions furent enfoncées
par la fureur gauloise. L’aile
gauche de l’armée romaine fut complètement anéantie
après avoir succombé sous
l’épée des Sénons ou péri noyée dans les eaux du Tibre.
Quant au centre et à
l’aile droite, ils se disloquèrent d’eux-mêmes, les troupes les
composant
ayant honteusement pris la fuite sans avoir essayé d’opposer la
moindre
résistance face aux Gaulois. Ayant désormais la voie libre, Brennus
et ses hommes
s’emparèrent de Rome sans coup férir, la cité n’étant plus
occupée que par quelques
femmes et des vieillards (l’image d’un Gaulois
tirant la barbe d’un vieux sénateur est
parvenue jusqu’à nous). Seul le
Capitole, perché sur sa colline, résista aux assaillants,
grâce notamment au
désormais célèbre épisode des oies. Après avoir occupé Rome
pendant sept
longs mois, les Sénons consentirent à quitter les lieux après avoir
touché
une rançon fixée à mille livres d’or. Lors de la pesée, les Romains
accusèrent
les Gaulois de tricher, en soupçonnant que les poids apportés par
ces derniers
étaient pipés. Rentrant dans une sombre colère, Brennus jeta son
épée dans la
balance tout en ajoutant ces mots : « Vae victis ! » (Malheur
aux vaincus !). Puis, les
Sénons se retirèrent pour aller s’installer sur la
côte adriatique. Les auteurs latins
nous rapportent que la cité antique fut
complètement détruite par les Gaulois, ayant
été incendiée juste avant leur
départ. Mais ce fait apparaît comme fort douteux, car
aucune trace d’un
quelconque incendie à cette époque ne fut trouvée par les
archéologues. Il
n’en demeure pas moins que les Romains ne pardonnèrent jamais
aux Gaulois
cette terrible humiliation et n’eurent de cesse d’assouvir leur
vengeance.
C’est Jules César, pendant la guerre des Gaules (de 58 à 52 avant
J.-C.), qui parviendra
à laver l’affront de la plus terrible des manières, en
faisant périr un million de Gaulois
sous le glaive, en réduisant à l’état
d’esclaves un autre million, et après avoir détruit
d’innombrables villages
et cités.
Plus de cent ans après la
prise de Rome, les Gaulois firent à nouveau parler d’eux,
cette fois de la
Grèce à l’Asie mineure. En 280 avant J.-C., des troupes
conduites
respectivement par Kerethrios, Bolgios et Brennos, s’emparèrent
presque
simultanément de la Thrace, de l’Illyrie, de la Macédoine et de la
Péonie. Depuis ce
dernier territoire, s’étalant du nord de la Grèce jusqu’à
l’ouest de la Bulgarie, Brennos,
secondé par Akichorios, décide de descendre
vers le sud. Son chemin est jalonné
d’embûches et rares sont les jours où il
ne doit pas livrer bataille. Bien qu’à chaque
fois victorieux, ses effectifs
fondent comme neige au soleil. En 279 avant J.-C., il
parvient toutefois
devant Delphes, avec une armée de 65.000 hommes. Là, on ne sait
plus très
bien ce qui se passe, les récits étant contradictoires. Selon les uns, Brennos
a
mis à sac la cité de Delphes et s’est emparé de ses fabuleux trésors,
lesquels auraient,
ensuite, été amenés jusqu’en Gaule, plus précisément à
Toulouse. D’après d’autres
auteurs, Apollon lui-même serait intervenu pour
empêcher la profanation de son
temple en provoquant la défaite des troupes
gauloises. Aux termes du combat,
Brennos, blessé, se serait donné la mort, ne
supportant pas le déshonneur de la
défaite ou voulant échapper à sa future
condition de prisonnier (ou d’esclave). On
retrouve les rescapés de l’armée
de Brennos en 278 avant J.-C., ces derniers ayant été
appelés en Asie Mineure
par Nicomède de Bithynie afin de l’aider à combattre les rois
séleucides ou
son propre frère Zipoétès. En remerciement pour leur action
décisive,
Nicomède leur accorda un territoire connu, depuis, sous le nom de
Galatie. Toutefois,
les Galates ne purent y vivre en paix, devant sans cesse
prendre les armes contre les
royaumes hellénistiques ou celui de Pergame.
Après avoir été définitivement vaincus
par Attale 1 , roi de Pergame,
celui-ci, ayant reconnu leurs grandes qualités
guerrières, les prit à son
service en tant que mercenaires (en – 218).
Ainsi que nous venons de le
voir, les Celtes ne furent pas très loin de dominer une
partie non
négligeable de la planète. Cependant, leur règne ne dura guère que
quelques
siècles, victimes qu’ils furent d’invasions venant aussi bien du nord que
du
sud. De plus, contrairement aux Celtes qui assimilèrent toujours les
autres cultures
dans une véritable symbiose, leurs ennemis, et
particulièrement les Romains, eurent
la volonté évidente de faire disparaître
l’une des plus grandes civilisations que le
monde ait connues. On s’est même
acharné à détruire ce qui constituait l’âme même
de ce peuple, en éliminant,
physiquement, leurs maîtres à penser : les druides.
Comme nous l’avons vu un
peu plus haut, sans doute y avait-il de la part des Romains
un désir de
vengeance poussé à son paroxysme. Mais cela n’explique pas tout. Force
est de
constater que le mystère plane au-dessus de ces populations dont nous
ne
connaissons toujours pas aujourd’hui les véritables origines. De fait, si
nous sommes
capables de suivre très exactement leur parcours à partir du
VIème siècle avant Jésus-
Christ, et de localiser, à partir de cette date,
leur centre d’émergence qui était
constitué par l’Allemagne méridionale, la
Suisse, l’ouest de l’Autriche, le nord-est de la
France et le sud de la
Belgique, nous devons nous en remettre aux simples
suppositions en ce qui
concerne les périodes antérieures. Habituellement, on
considère que les
Celtes sont des Indo-Européens ou des Indo-Aryens, ce qui signifie
que leur
lieu d’origine se situerait quelque part entre l’Inde et les Carpates.
Cette
filiation avec l’Inde, nous la retrouvons dans la racine de plusieurs
noms. Ainsi, la Tara
indienne, déesse de la Parole, a assurément des points
communs avec le Tara
irlandais, lieu où le roi Ardri dispensait sa parole aux
autres rois. Mais là s’arrêtent les
similarités avec l’Inde, car il est
difficile de comparer un Indien avec un Celte blond aux
yeux bleus. Même leur
groupe sanguin ne correspond pas. Alors que le groupe B
prédomine sur le
continent sud-asiatique, les Celtes étaient exclusivement du groupe
O. Nous
ferons ici un aparté pour signaler au lecteur que 43 % de la
population
française, dont une partie peut se prétendre « descendants des
Gaulois », présentent
un groupe sanguin de type O. Cette proportion est même
encore plus importante
chez la population basque avec 56 %. En revanche, la
présence du groupe O parmi
plusieurs peuples du continent américain a
véritablement de quoi stupéfier : 96 % des
Indiens Nord-Américains sont de
groupe O ! Ce chiffre atteint les 97 % chez les Mayas
et les 100 % chez les
Indiens du Pérou ! Outre le fait que ce résultat semble accréditer
cette
croyance des Indiens du continent Nord-Américain qui considèrent les
Celtes
comme leurs frères, on est en droit de se demander si une terre
commune n’a pas
été le berceau de ces peuplades a priori disparates. On
pense, bien entendu, à
l’Atlantide, mais aussi à un autre continent englouti
: Mu. Si nous ne pouvons
développer ici ces hypothèses, retenons toutefois
que ces théories pourraient
trouver une certaine accréditation dans les
propos de Salomon Reinach, le célèbre
archéologue et conservateur du Musée
des Antiquités Nationales à Saint-Germain-ener
Laye (de 1902 à 1932), lequel
considérait que les Celtes étaient le peuple le plus vieux
du monde. Enfin,
pour en terminer avec les origines mystérieuses des Celtes, nous
citerons, à
titre anecdotique, la littérature grecque sur l’Hyperborée. A la lecture
de
ces textes, nous avons toutes les raisons de croire que les individus
désignés par les
Grecs sous le nom d’ « Hyperboréens » n’étaient autres que
les Celtes.
Après avoir entr’aperçu
l’origine des
Celtes, nous allons maintenant aborder
l’apport de cette
grande civilisation à
notre monde, certaines de leurs
techniques et autres
inventions étant
toujours utilisées de nos jours. Ce
faisant, nous
mettrons à bas, une
bonne fois pour toutes, cette image de
rustres
querelleurs vivant dans des
huttes et passant leur temps à
festoyer
lorsqu’ils ne bataillaient pas. De la même manière, le terme de «
barbares », dont les
Grecs et les Romains avaient coutume d’affubler les
Celtes, devra être replacé dans
son sens premier. Car loin d’avoir la
connotation péjorative que nous lui connaissons
aujourd’hui, le mot « barbare
», provenant du grec ancien « barbaros », signifie tout
simplement « étranger
».
Avec l’arrivée des Celtes
commença l’Âge du Fer. Cette première assertion est de
taille, puisqu’elle
sous-entend que c’est aux Celtes que nous devons l’usage du fer, un
métal qui
n’est pas si simple à travailler pour lui donner la solidité voulue et dont
la
réduction du minerai demande également de bonnes compétences techniques.
Et
bien que les forgerons gaulois n’aient pas été les seuls à dominer cette
matière – les
habitants du nord de l’Inde pouvant également se vanter d’être
des maîtres dans ce
domaine depuis une époque relativement reculée – il est
certain que les armes qu’ils
donnèrent aux guerriers celtes conférèrent à ces
derniers un avantage indéniable sur
leurs adversaires. N’oublions pas, en
effet, que les troupes romaines et grecques
furent longtemps équipées d’armes
de bronze, un alliage qui ne résistait pas très
longtemps sous le choc du
fer. Outre son application militaire, le fer s’avéra aussi fort
utile pour
les progrès de l’agriculture. Comme chacun sait, les Gaulois furent
les
inventeurs de la charrue, cette dernière ayant été améliorée, en Rétie
gauloise, par
l’ajout de deux petites roues. Plus surprenante encore fut
l’invention, par les Celtes,
d’une véritable moissonneuse. Les Gaulois ayant
été de grands producteurs de blé, ils
s’étaient facilité la tâche en mettant
au point une sorte de tombereau à deux roues
dont le bord antérieur était
armé de dents qui arrachaient les épis. Une fois arrachés,
les épis tombaient
automatiquement dans le tombereau. Et lorsqu’il s’agissait de
faucher les
prés, les Gaulois utilisaient une faux qui coupait l’herbe haute sans
toucher
à l’herbe courte. Rappelons-nous que ces inventions remontent à environ
2.500
ans. Or, lorsqu’on étudie l’histoire des moyens agraires, on a
l’impression
qu’aucune avancée ne fut réalisée jusqu’au XIXème siècle. Bien
au contraire, certaines
techniques employées par les Gaulois, comme celle du
chaulage, furent oubliées
pendant près de deux millénaires. Pour amender les
terres trop acides, les Celtes
répandaient de la chaux. Mais l’oubli de cette
méthode conduisit des territoires,
comme le Ségala (englobant une partie non
négligeable du département de
l’Aveyron), à une grande pauvreté. Ce n’est, en
effet, qu’au XIXème siècle que les
agriculteurs de nos régions redécouvrirent
l’emploi de la chaux et purent, ainsi,
mettre fin à des famines
répétées.
Si par leurs activités
agricoles les Gaulois ont façonné nos campagnes, on leur doit
également une
urbanisation imposante, mais intelligente, dont les bases ont servi à
tous
leurs successeurs. De sorte que la configuration de la France, avec ses villages
et
ses villes, a très peu évolué depuis l’époque des Gaulois, du moins au
niveau du choix
des emplacements pour l’habitat. Du reste, combien de cités
ou de petits bourgs
portent encore, dans leur dénomination, l’empreinte celte
? Si nous prenons
l’exemple de notre capitale, Paris, force est de
reconnaître que son nom nous vient
tout droit de la tribu celte des « Parisii
» qui s’était installée dans l’actuelle région
parisienne. Et que dire devant
tous ces noms se terminant par « ac » comme
Mérignac ou Bergerac ? Rien que
dans le département de l’Aveyron, connu pour avoir
abrité les fameux Rutènes
libres (ceux-là mêmes qui résistèrent le plus longtemps aux
troupes de César
et qui fournirent un contingent de 6.000 archers à la bataille
d’Alésia),
nous dénombrons pas moins de soixante-huit villages ayant une
terminaison en
« ac », à l’instar de Najac, Toulonjac, Lunac, Camjac, Ceignac, etc… A
cela,
une explication toute simple : le suffixe « ac » dérive du celte « acos », mot
se
référant à un « lieu habité », d’où ce grand nombre de toponymes se
terminant par
« ac ».
Dans sa Guerre des Gaules,
Jules César ne se contente pas de nous décrire les
nombreuses batailles qui
opposèrent les Romains aux Celtes ; il nous parle aussi de
ce qu’il voit
autour de lui. C’est ainsi que nous apprenons l’existence, en Gaule, de
«
vici » (terme utilisé pour les bourgs ou les villages), de « castella » (petites
places
fortes avec une ébauche de ce qui sera, plus tard, nos futurs
châteaux) et des
« oppida » (véritables villes fortifiées). Les « vici »
étaient constitués de maisons
essentiellement faites de bois. Loin d’être
rudimentaires, ces constructions étaient le
résultat d’un travail artisanal
très soigné et très technique, surtout au niveau des
charpentes, véritables
chefs-d’oeuvre d’architecture que n’auraient pas reniés
nos
artisans-compagnons les plus doués. De plus, ces habitations présentaient
un confort
bien supérieur à celui des froids palais de pierre romains. Les «
castella », pour leur
part, étaient de véritables résidences princières. Si
l’on en juge par les restes
retrouvés sous le tertre 4 de la Heuneburg,
présentant un édifice de 300 m² divisé en
7 pièces, ces demeures étaient
particulièrement confortables. Leur emplacement
isolé dans les campagnes
exigeait, néanmoins, qu’on les place au milieu d’un
quadrilatère fermé par
une ou plusieurs palissades et entouré de fossés. Quant aux
« oppida », il
s’agissait d’enceintes fortifiées pouvant accueillir un grand
nombre
d’habitants. Contrairement aux « urbs » qui étaient des villes
ouvertes, la destination
première des oppida était d’offrir un asile aux
habitants des alentours et à leur bétail,
en cas de raids ennemis. Toutefois,
l’oppidum devint rapidement un lieu occupé en
permanence, comprenant en son
sein des maisons construites sur un plan
rectangulaire avec un niveau à
demi-souterrain auquel on accédait par un escalier
intérieur de plusieurs
marches. Les oppida, qui pouvaient couvrir plusieurs centaines
d’hectares,
furent ainsi de véritables villes fortifiées aux populations plus ou
moins
importantes dépassant, parfois, les 100.000 âmes. Ce fut notamment le
cas de
l’oppidum de Bratuspantium. Occupé par la tribu celte des Bellovaques,
ces derniers,
lors du soulèvement de la Gaule, promirent une armée de dix
mille hommes et
étaient réputés pouvoir fournir jusqu’à cent mille guerriers,
ce qui laisse présumer de
l’étendue de cet oppidum… D’autres oppida
rivalisèrent de grandeur, comme à
Avaricum (Bourges) où la seule activité
artisanale, consacrée essentiellement aux
métaux, couvrait, comme à Lyon, une
superficie supérieure à un kilomètre carré. Mais
plus remarquable encore
était l’enceinte des oppida, haute de six mètres et
pratiquement
indestructible puisque certains de ces murs ont traversé les siècles
sans
encombre pour parvenir jusqu’à nous. Jules César, lui-même, fut
rempli
d’admiration devant ce type de construction, au point qu’il nous en
livra une
description des plus précises :
« Voici du reste, le mode
de construction ordinaire des murailles gauloises. Des
poutres, d’une seule
pièce en longueur, sont posées sur le sol, d’équerre avec la
direction du mur
et à la distance de deux pieds les unes des autres ; puis on les relie,
dans
l’oeuvre, par des traverses, et on les revêt entièrement de terre, à l’exception
du
parement qui est formé de grosses pierres logées dans les intervalles dont
nous
venons de parler.
Ce premier rang solidement
établi, on élève par-dessus un deuxième rang semblable,
disposé de manière
que les poutres ne touchent pas celles du rang inférieur, mais
qu’elles n’en
soient séparées que par le même intervalle de deux pieds, dans lequel
on
encastre pareillement des blocs de pierre bien ajustés. On continue toujours
de
même jusqu’à ce que le mur ait atteint la hauteur voulue. Ce genre
d’ouvrage avec ses
pierres et ses poutres alternées régulièrement fait un
ensemble qui n’est point
désagréable à l’œil ; il est, de plus, parfaitement
adapté à la défense des places,
attendu que la pierre y préserve le bois de
l’incendie, et que les poutres, longues
souvent de quarante pieds et reliées
entre elles, dans l’épaisseur du mur, ne peuvent
être brisées ni détachées
par le bélier. »
Par contre, César omet de
dire que des clous et autres chevilles de fer étaient
employés dans
l’édification de la muraille. Et ces pièces avaient ceci de
particulier
qu’elles avaient été forgées dans le fer le plus pur et qu’elles
étaient presque
inattaquables à la rouille. Autre caractéristique concernant
les clous, à tête carrée : ils
provenaient tous d’une seule fabrique,
puisqu’on les retrouva, dans leur forme
parfaitement identique et issus du
même minerai de fer, dans tous les oppida de la
Gaule.
Concernant toujours les
oppida, il nous faut encore observer que les murs d’enceinte
étaient, partout
en Gaule, construits sur un modèle unique. Ce qui signifie que des
règles
d’édification avaient été établies et qu’elles furent, ensuite, respectées sur
tout
le territoire gaulois, malgré la diversité des tribus et des différends
pouvant exister
entre elles. Or, une seule caste était capable d’imposer sa
volonté à tous les peuples
celtes : la caste des druides.
Enfin, pour
en terminer avec la technologie gauloise, nous nous contenterons de
signaler
quelques inventions relevées par Pline l’Ancien et dont nous ne pourrions
pas
nous passer aujourd’hui :
– le savon que les Celtes,
très attachés à la propreté, avaient d’abord mis au point à
partir de suif ou
de cendres,
– et les matelas et les
lits rembourrés qui étaient issus de l’esprit inventif des Gaulois.
Avec les Celtes se
développa une autre pratique : l’inhumation. Durant l’âge du
bronze, les
peuples avaient pour habitude d’incinérer leurs morts. Mais, à partir de
900
avant Jésus-Christ, cette coutume fut peu à peu abandonnée par les Celtes
pour
pratiquement disparaître. Durant tout l’Âge du Fer, on vit pousser des
tertres
artificiels, faits de terre ou de pierre, qui étaient autant de
sépultures. De nos jours,
certains de ces tumuli sont encore visibles, et par
centaines à certains endroits.
L’exploration de ces tombes a justement permis
aux archéologues d’en connaître un
peu plus sur nos ancêtres, car les défunts
étaient généralement enterrés avec des
objets leur ayant appartenu, comme
leurs armes. C’est ainsi que furent découvertes
de nombreuses épées de fer,
ordinairement longues de 75 à 85 cm, plus
exceptionnellement d’un mètre de
long. Outre les épées, les lances et autres
boucliers, prenaient place à côté
de la personne disparue des rasoirs, des bracelets,
des torques et toutes
sortes de bijoux (dans les tombes féminines). Ce qui démontre,
d’une part, la
place importante qu’occupait la femme dans la société celtique et,
d’autre
part, une certaine aisance du peuple celte qui donnait de l’ouvrage à
ses
nombreux artisans. Dans les sépultures les plus riches, notamment les
tombes
princières, les défunts étaient ensevelis dans leur costume d’apparat
(avec leurs
magnifiques parures) et reposaient, bien souvent, dans un char
massif à quatre roues,
dit char processionnel. Du mobilier était également
disposé avec un service à boire et
à banqueter, sans oublier l’harnachement
du cheval du défunt, ce qui nous permet
d’imaginer la taille que pouvaient
présenter certaines chambres funéraires (celle de
Vix, en Côte-d’Or,
atteignait quatre mètres de côté).
Ce bref aperçu du procédé
de l’inhumation chez les Gaulois nous donne quelques
indications sur leurs
vie et moeurs. La présence des épées, par exemple, nous indique
clairement la
place qu’occupait le combat dans leur vie. Il est vrai que, chez les
Celtes,
chaque homme libre était astreint au service militaire. Au moment de
partir en
guerre, on convoquait tous les hommes en état de porter les armes,
et malheur à
celui qui répondait le dernier à cet appel impérieux. Lorsqu’ils
ne défendaient pas
leur propre territoire, il arrivait aux Celtes de louer
leurs services en tant que
mercenaires. C’est ainsi qu’en 369 avant
Jésus-Christ, l’armée envoyée au secours des
Spartiates comptait dans ses
rangs de nombreux fantassins celtes, et que Philippe V,
roi de Macédoine,
pouvait s’enorgueillir d’avoir, en plus de ses phalanges, des
cavaliers
galates ; jusqu’à la reine égyptienne Cléopâtre qui eut recours aux
gaulois
pour former sa garde rapprochée. Dans la bataille, les Celtes se
battaient avec fureur,
parfois même avec sauvagerie. Couper la tête de leurs
ennemis tués était, pour eux,
une pratique courante. Ils rapportaient ensuite
chez eux ces trophées ensanglantés,
suspendus à l’encolure de leurs chevaux
ou enfoncés au bout de leurs lances, ce qui
peut paraître, de nos jours,
comme un acte de pure barbarie. Toutefois, il faut se
replacer dans le
contexte de l’époque pour bien comprendre que ce sont les temps
qui voulaient
ça. Les Romains, de leur côté, n’hésitaient pas à faire pire, usant même
de
tortures très raffinées quand le temps leur en était laissé. Ce qui, par
contre,
distinguait les Gaulois des autres peuplades, c’était un sens de
l’honneur poussé à
l’extrême. Par exemple, lorsque les Celtes étaient
vaincus, ils n’hésitaient pas à
retourner leurs armes contre eux-mêmes,
plutôt que d’avoir à supporter l’humiliation
de la défaite ou de voir leur
liberté confisquée. Le groupe sculpté de la villa Ludovisi,
représentant un
Gaulois se tuant (ou Brennos lui-même), en est l’illustration parfaite.
De la
même manière, ils s’avançaient, l’arme à la main, au-devant des vagues
qui
venaient submerger leurs territoires côtiers – ce qui se produisit
notamment lors de
l’effondrement de la Bretagne marécageuse qui fut à
l’origine de l’engloutissement
des villes de Gesocribate, d’Occismor ou de
Regina – acceptant sans broncher de périr
engloutis par les eaux, seul moyen
pour eux d’échapper à la honte d’une fuite. Ephore
de Cymé, célèbre historien
né vers 400 avant Jésus-Christ et connu pour son
« Histoire universelle des
grecs et autres peuples depuis le retour des Héraclides »,
faisait d’ailleurs
état de ces Celtes sans cesse repoussés par la mer. Il précisa que,
chez ces
peuples, l’eau faisait davantage de victimes que les guerres elles-mêmes.
Et
combien de Gaulois bravèrent les incendies ou se refusèrent à éviter la
chute d’un
mur pour ne pas être déshonorés ? C’est encore ce sens de
l’honneur qui poussa les
Allobroges à refuser de livrer aux Romains les
princes des Salyi (ancien peuple de la
Provence) qui avaient trouvé refuge
chez eux.
Autant les Celtes étaient
farouches au combat, autant ils étaient hospitaliers lorsque
les armes
avaient cessé de parler. Du reste, la porte de leur maison était
toujours
ouverte, et le passant était assuré d’y trouver le gîte et le
couvert. Accueillir un
étranger était regardé, par les Gaulois, comme un
bienfait des dieux.
Autre spécificité du peuple
Gaulois : le respect des femmes. Ces dernières étaient si
hautement
considérées qu’il n’était pas rare de les voir participer aux conseils
et
donner leur avis. On faisait également appel à elles pour juger les
différends
opposant des chefs ou des tribus. De sorte qu’il arriva que des
tribunaux soient
entièrement constitués de femmes. D’après Plutarque, le
jugement des femmes fut
sollicité après leur intervention dans une terrible
affaire qui faillit voir s’affronter deux
armées gauloises : « Avant la
conquête de la Cisalpine par les Gaulois, il y eut chez eux
une terrible
guerre civile. Les femmes s’avancèrent au milieu des armées et, prenant
le
rôle d’arbitres, réconcilièrent les parties en présence. Depuis lors, les Celtes
n’ont
pas cessé, quand ils délibèrent sur la paix et la guerre, d’admettre
leurs femmes au
conseil et de faire régler par leur arbitrage les
contestations qu’ils ont avec leurs
alliés. »
Pour être attentives à
maintenir la paix, les femmes n’en étaient pas moins capables
de prendre part
aux combats. On se souvient notamment du rôle joué par les
femmes Helvètes
dans la défense de retranchements contre les Romains. Et que dire
de cette
femme gauloise dont l’historien Ammien Marcellin nous dresse le
portrait,
alors qu’elle est venue prêter main-forte à son mari engagé dans
une querelle ? Il
nous la montre « verdâtre, le cou gonflé, frémissante,
balançant ses bras blancs
9/19
énormes, jouant des pieds et lançant ses
poings comme des catapultes chassées par
la corde enroulée. » Les femmes
celtes étaient assurément courageuses et
n’hésitaient pas à accompagner leurs
époux à la guerre, voire à les encourager –
jusqu’à les exciter – dans la
bataille.
Dans la vie courante, donc
sortis du contexte des combats, les Gaulois étaient,
comme nous l’avons vu,
des agriculteurs accomplis. Le travail de la mine ne leur était
pas non plus
inconnu et ils extrayaient de la terre (en plus du sel) divers métaux,
à
l’instar du fer, du cuivre, de l’argent et de l’or. Ces métaux étaient
ensuite travaillés
par des artisans aux mains expertes, qu’ils soient
forgerons ou orfèvres. Mais la
production gauloise n’était pas destinée
qu’aux seuls Gaulois, ces derniers ayant
parfaitement intégré le principe des
échanges, lesquels s’effectuaient dans un axe
nord-sud allant de la Baltique
jusqu’à l’Adriatique. Parmi les produits que recevaient
les Gaulois se
trouvaient le vin des Etrusques et l’ambre des Germains. L’ambre
était
particulièrement prisé des Gaulois qui en faisaient des bijoux portés
par toute la
population et principalement par les enfants, les colliers
réalisés à partir des « larmes
d’Apollon » étant censés les protéger des
maladies. Cet ambre provenait
essentiellement de l’île d’Abalum, sur la côte
orientale de la Baltique, dont le nom
n’est pas sans rappeler l’île d’Avallon
de la légende arthurienne ; l’étymologie de ces
deux îles faisant référence
au pommier, l’arbre de la connaissance par excellence.
Les bijoux évoqués plus
haut nous rappellent que les Celtes, qu’ils soient hommes ou
femmes,
portaient généralement des bracelets, des anneaux ou encore des torques,
ces
derniers étant symboles de puissance, voire de commandement lorsqu’ils
étaient
en or. L’habillement des Gaulois, constitué principalement d’un
pantalon, d’une
tunique et d’une saie portée sur l’épaule, leur permettait
d’agrémenter leurs
vêtements d’objets tels que des boucles de ceinturon
finement décorées ou des
fibules (agrafes de métal) ciselées avec tout autant
de soin. Il s’agissait d’un véritable
travail d’orfèvre – mis également au
service des casques, des boucliers et des
fourreaux des épées – dans lequel
les artisans celtes exprimaient tout l’art de leur
peuple. Spirales,
swastikas et autres entrelacements venaient prendre place aux
côtés de
personnages ou d’animaux parfois fabuleux. Pour être esthétiques, ces
motifs
n’en avaient pas moins un sens, car l’art celte, tout comme l’art
amérindien,
n’était pas un art « gratuit ». Chaque composition devait
délivrer un message en tant
que représentation d’un savoir. Il est donc
primordial d’étudier d’un peu plus près cet
art celte, lequel nous permettra
d’entrevoir quelques joyaux de leur culture.
A l’époque qui nous
intéresse, l’art se déclinait principalement sous forme statuaire.
De sorte
que l’on a longtemps considéré que les Grecs et les Romains, par
exemple,
surpassaient les Celtes dans ce domaine. C’est oublier que les
artistes celtes ont, eux
aussi, produit des statues de qualité, et ce, dès le
VIème siècle avant notre ère. Bien
qu’ils n’avaient pas pour habitude de
représenter la divinité – comment était-il
possible de matérialiser un
principe abstrait ? – ils ont façonné dans la pierre des
personnages grandeur
nature. A partir de l’occupation romaine, les Gallo-Romains se
sont risqués à
personnifier des aspects du principe divin, sans toutefois perdre de
vue ce
savoir qui leur venait tout droit de leurs ancêtres. Ainsi, est-ce avec un
certain
bonheur qu’ils ont réalisé des autels et autres bustes. Si peu de ces
chefs-d’oeuvre
sont parvenus jusqu’à nous, à cause de la destruction
systématique par les Chrétiens
des statues païennes, quelques-unes de ces
créations ont miraculeusement échappé
à l’obscurantisme religieux. C’est
notamment le cas d’un autel du IIème siècle de
notre ère découvert en 1837 et
visible au Musée Saint-Rémi de Reims. L’autel en
question représente un dieu
cornu entouré de deux personnages qui ont été
identifiés comme étant Apollon
et Hermès. Si l’influence greco-romaine est ici
certaine, le dieu cornu est,
quant à lui, d’inspiration celtique. Il suffit, pour s’en
convaincre,
d’observer le torque qu’il porte à son cou. On aurait pu s’interroger sur
le
nom de ce personnage si, le 16 mars 1711, n’avait été mis à jour, dans un
mur de
fondation de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le fameux « Pilier des
Nautes ». Cette
colonne, datée du 1 siècle après J.-C., est, en fait,
constituée de quatre blocs, ou
autels, dont l’un d’eux présente, sur une
face, un buste humain et cornu avec, audessus,
l’inscription de « CERNUNNOS
». Il s’agit du dieu-cerf, souvent représenté assis
en tailleur (ou en
position de Bouddha), maître de la végétation. C’est sans doute
pour cette
raison que, sur l’autel de Reims, il est figuré en train de nourrir un
taureau
et un cerf à l’aide de graines qu’il fait sortir de son sac. On
notera que Cernunnos était
parfois sculpté sous une forme tricéphale, forme
que nous retrouvons sur un autre
autel conservé par le musée de Reims,
décidément riche en trouvailles
archéologiques. La tête tricéphale (à
laquelle peut être associé le triskèle relevant du
même symbolisme), nous
parle d’une trinité de dieux gaulois qui n’étaient autres que
Taranis,
Teutatès et Esus, divinités que nous verrons un peu plus loin. Ces trois
faces
d’une même tête nous ramènent aussi aux trois plans d’une seule énergie
et, d’un
point de vue trinitaire, à l’union du corps, de l’âme et de
l’esprit.
Dans un registre plus
artisanal, nous
remarquons que les divers récipients
utilisés par les
Celtes faisaient l’objet de
décorations bien particulières, oeuvres
de
véritables artistes. Là encore, il n’y
avait pas de place pour
l’improvisation.
Le symbolisme était omniprésent et
offert à la vue de
tous, dans le but
évident de transmettre une
connaissance qu’on ne
pouvait
découvrir autrement, en absence de
tout texte. Les oenochoés, tout
d’abord, présentaient un décor le plus souvent
fantastique, principalement au
niveau de l’anse. Pour réaliser ces cruches à vin, tout
en bronze, leurs
auteurs faisaient preuve d’une grande dextérité et utilisaient une
haute
technologie qui ferait l’admiration de nos plus modernes maîtres-bronziers.
Il
en allait de même pour les situles, ces vases de bronze entièrement
décorés de frises
mettant en scène des personnages et/ou des animaux. Or,
tant les oenochoés que les
situles remontaient au VIème siècle avant notre
ère ! Pour rester dans les récipients,
nous allons maintenant parler du
fameux chaudron de Gundestrup, véritable chefd’oeuvre.
Datant du 1 siècle
avant Jésus-Christ, il fut découvert dans une tourbière
du Jutland au
Danemark. Conservé au Musée de Copenhague, il n’en est pas moins de
facture
gauloise, comme en attestent de nombreux motifs relatifs à la Gaule.
Le
lecteur pourra sans doute s’étonner que cet objet soit parvenu jusqu’au
Danemark.
La raison de sa présence en ce lieu est pourtant toute simple.
Souvenons-nous, en
effet, que les Gaulois importaient de grosses quantités
d’ambre, une résine fossile qui
provenait justement des plages du Jutland. Il
y a donc fort à parier que ce magnifique
chaudron d’argent ait servi de
monnaie d’échange. Mais étudions de plus près cet
objet. Le chaudron de
Gundestrup mesure 69 cm de diamètre et sa profondeur est de
21 cm. Il est
entièrement recouvert, tant extérieurement qu’intérieurement, de reliefs
au
nombre de 13. Il est donc constitué de treize plaques supportant, chacune,
une
scène différente. La première de ces plaques nous montre des fantassins
et des
cavaliers gaulois reconnaissables, les uns à leurs longs boucliers
ovales avec umbo,
les autres à leurs casques surmontés de la rouelle, de
cornes, d’un sanglier ou d’un
oiseau. Ils sont suivis par des musiciens
soufflant dans un carnyx (trompette à gueule
de fauve). S’il ne peut y avoir
de doute sur l’origine des guerriers représentés, on
reste, par contre, plus
que circonspect devant l’interprétation « officielle » relative au
plus grand
personnage précipitant un homme la tête la première dans un vaste
vase.
D’après les spécialistes, il s’agit là d’un sacrifice humain.
Cependant, ils s’étonnent du
mode sacrificiel, celui-ci n’étant pas propre
aux Celtes mais aux… Germains ! Si les
Celtes n’employaient pas cette méthode
pour sacrifier leurs victimes, alors pourquoi
s’entêter à décrire cette scène
d’une façon erronée ? Ce faisant, on fait preuve
également d’une
méconnaissance totale de la mythologie celtique. Ce vase dans
lequel on
plonge l’individu, n’est-ce pas plutôt le chaudron de Brân ? Dans ce
cas,
nous ne sommes pas en présence d’un récipient qui donne la mort mais,
au
contraire, ressuscite les morts ! Ce qui se conçoit parfaitement, vu que
le mythe du
chaudron (ou du vase ou de la coupe) a toujours été associé au
mystère de la
résurrection, que ce soit avant ou après Jésus-Christ. Et ce
n’est pas la légende
arthurienne du Saint Graal qui nous contredira. Avec la
plaque numéro 4, nous nous
retrouvons en pays connu. Outre plusieurs animaux,
celle-ci nous présente
Cernunnos coiffé de sa ramure de cerf. De sa main
droite, il tient un torque, alors que
les doigts de sa main gauche serrent le
cou d’un serpent à tête de bélier. Nous ne
reviendrons pas sur le symbolisme
de Cernunnos dont le bestiaire qui l’entoure nous
ramène, encore une fois, à
ses rapports étroits avec la nature. Cependant, le serpent
auquel il est très
souvent associé, nous conduit à penser que Cernunnos était peutêtre
aussi une
divinité chtonienne. Avant de laisser cette plaque, nous remarquerons
le
personnage chevauchant un dauphin. Il est vrai que les Celtes entretenaient de
très
bons rapports avec ces mammifères marins. D’ailleurs, les Gaulois de la
Méditerranée
avaient coutume de les utiliser pour la pêche. Les dauphins
rabattaient le poisson
dans les filets des pêcheurs et, en remerciement pour
leurs services, les gaulois leur
abandonnaient une partie de leurs prises et
leur donnaient du pain trempé dans du
vin dont, paraît-il, ils raffolaient.
La plaque numéro 3 a, quant à elle, laissé les
chercheurs dans l’expectative.
Sophus Müller y a vu le buste de la déesse du soleil
entouré par des
éléphants et des griffons. Par contre, il n’a pas compris le sens de ce
qu’il
prend pour deux roues à six rayons. En fait de roues, il s’agit de « fleurs de
vie »,
un symbole presque aussi vieux que le monde et que l’on retrouve de
l’Inde au Pays
Basque. Nous ne nous étalerons pas sur le sens de ce symbole
qui a été longuement
expliqué dans plusieurs ouvrages. Que le lecteur sache,
cependant, que la Fleur de
Vie est liée au mystère de l’incarnation. Enfin,
les griffons sont là pour nous parler
d’Alchimie, de l’union des deux natures
contraires (du fixe et du volatil), prouvant
ainsi l’immense étendue du
savoir des druides, lesquels avaient sans doute donné
des consignes bien
précises au génial ciseleur du chaudron de Gundestrup. D’autres
plaques
mériteraient certainement d’être décrites et analysées, mais cette tâche
nous
entraînerait trop loin de notre propos.
Pour clore le chapitre sur
l’art celte, nous parlerons d’un dernier objet : le miroir de
Desborough. Son
dos est une véritable merveille où des motifs relativement
complexes se
reflètent d’un côté à l’autre à partir d’une ligne centrale invisible.
En
outre, les figures représentées semblent être les mêmes, sauf qu’elles se
répètent à
une échelle différente. Il faut se rendre à l’évidence, nous
sommes en présence d’une
fractale, soit d’un objet mathématique trouvant ses
règles dans la fragmentation (la
structure gigogne pouvant être une autre
définition). Le problème est que le terme de
« fractale » n’a été inventé
qu’en 1974, alors que notre miroir remonte au 1 siècle
avant
Jésus-Christ…
De l’art celte nous passons
naturellement à la mythologie celtique, le premier n’étant
que l’_expression_
figurée de la seconde. Cette mythologie, d’une richesse
incomparable, va nous
plonger au cœur de croyances séculaires et nous amener à la
rencontre
d’étonnantes révélations.
Au risque de nous répéter,
rappelons que les Celtes vivaient en parfaite harmonie
avec la nature. Il n’y
a donc rien de surprenant à ce qu’ils aient conservé de
nombreuses traditions
des hommes du Néolithique, voire du Mésolithique, comme
un véritable culte
pour les eaux et les mondes minéral, végétal et animal. Ainsi,
sources,
fontaines et ruisseaux étaient vénérés, de même que les fleuves et
les
rivières dont certaines portaient les noms de « Deva » ou « Devona », ces
termes
signifiant « la divine ». Les arbres faisaient l’objet d’une dévotion
similaire, notamment
le chêne (Robur) et le pommier (Abellio). D’après Pline
l’Ancien, les druides croyaient
que la présence du gui révélait celle du dieu
sur l’arbre qui le portait. Par conséquent,
ce n’est pas sans cérémonie
qu’ils cueillaient cette plante parasite, devenue symbole
d’éternité et de
l’immortalité de l’âme humaine. Les animaux, à l’instar du cheval,
du
taureau, du sanglier, de l’aigle et du corbeau, étaient aussi adorés. Du
reste, leur
effigie figurait sur de nombreuses pièces gauloises. Le chien,
quant à lui, était l’animal
bénéfique par excellence. Sa fonction psychopompe
lui permettait, en effet, de guider
les défunts dans le passage sombre de la
mort.
Les mégalithes, que l’on
avait, un moment, attribués aux Celtes, puis aux hommes du
Chalcolithique,
s’avèrent bien trop anciens pour que les uns ou les autres en aient été
les
bâtisseurs. Mais si les pierres levées restent un mystère, il est, par contre,
certain
que les druides en avaient percé les secrets, à moins que ces
derniers ne leur aient
été confiés avec d’autres connaissances ancestrales.
De sorte que nombre de
cérémonies étaient organisées autour des dolmens et
des menhirs, ceux-ci ayant été
placés dans des lieux de haute énergie
tellurique. Ces emplacements, où se
concentrent les forces de la nature, y
compris celles provenant du cosmos (les
mégalithes faisant office de points
de connexion entre la terre et le ciel), devinrent
sacrés aux yeux des Celtes
qui pouvaient y voir des manifestations du divin ou de
l’invisible. Et ce
sont sans doute ces mêmes forces naturelles qui les amenèrent à
croire aux
elfes, aux korrigans, aux sylphes et aux ondines.
A côté de ces puissances
anthropomorphes existait un panthéon celtique bien plus
en rapport avec
l’idée que l’on peut se faire des dieux.
Chez les Gaulois, le « Dis
Pater » (le « père divin ») était la déité la plus importante.
Tous les
Gaulois prétendaient être issus du Dis Pater, ce dernier n’étant pas vu
comme
un père biologique mais comme le père de leur âme immortelle. Ce concept
ne
peut se comprendre que si on se place du point de vue de leur principale
croyance
qui avait trait à la transmigration des âmes. Cette foi en la
réincarnation était même
encouragée par les druides comme nous le prouve ce
conte bardique intitulé « le
Peredur » : « Des deux côtés de la rivière
s’étendaient des prairies unies. Sur l’une des
rives, il y avait un troupeau
de moutons blancs et, sur l’autre, un troupeau de
moutons noirs. A chaque
fois que bêlait un mouton blanc, un mouton noir traversait
l’eau et devenait
blanc. A chaque fois que bêlait un mouton noir, un mouton blanc
traversait
l’eau et devenait noir. » L’interprétation de ce conte est fort simple,
le
mouton noir représentant l’âme emprisonnée dans la matière qui,
lorsqu’elle se
désincarne, s’en va rejoindre le monde spirituel symbolisé par
le troupeau de
moutons blancs. A contrario, le mouton blanc qui devient noir
après avoir traversé la
rivière, est assurément une âme qui vient s’incarner
dans le monde matériel
symbolisé par le troupeau de moutons noirs. Ainsi
qu’on peut en juger, nous sommes
bien loin d’une religion polythéiste, mais
bel et bien en présence d’une religion
monothéiste, qui plus est
annonciatrice du christianisme des premiers temps. Ce qui
n’empêcha pas les
Celtes, et surtout les Gallo-Romains (sans doute influencés par les
Romains),
de diviniser plusieurs éléments, ou événements, venant rythmer leur
vie.
En complément féminin du
Dis Pater, sans toutefois pouvoir l’égaler, nous trouvons la
Déesse-Mère ou
Terre-Mère, venue tout droit de la préhistoire et rappelant la
Déméter des
Grecs. Elle était cette terre génératrice et nourricière sans laquelle
toute
vie était impossible.
Avec Teutatès, l’une des
divinités de la triade gauloise, nous sommes une nouvelle
fois renvoyés au
Dis Pater, auquel il était souvent comparé. Et il est, d’ailleurs,
fort
probable que nous ayons affaire au même dieu. Teutatès n’était-il pas
considéré
comme le père du peuple ? Il était également le conducteur des
âmes. Mais au lieu de
les entraîner, après la mort, dans le sombre royaume
souterrain de Pluton, il les
conduisait dans ces groupes de globes lumineux,
dans ces constellations aux clartés
mystérieuses qui parsèment l’immensité de
la voûte céleste.
Dans la triade gauloise
venaient prendre place deux autres dieux : Esus et Taran (ou
Taranis). Esus
était un dieu bûcheron dont le rôle était d’inspirer les combats. Quant
à
Taran, il n’était autre que le dieu du tonnerre et de la foudre.
Autre dieu d’importance
pour les Gaulois : Albiorix (roi du monde). Véritable Mercure
gaulois,
Albiorix était l’inventeur de tous les arts utiles. Connu aussi sous le nom
de
Rigisamos (très loyal), il assurait la protection des routes et des
voyageurs. A ses côtés
figuraient presque toujours, en tant qu’animaux
symboliques, le bouc et le coq.
Belenos, pour sa part,
était l’équivalent d’Apollon. Le « Très Brillant » était réputé
éloigner les
maladies et faire jaillir des sources salvatrices. En tant que divinité
solaire,
il était fêté le 1 mai, date qui commémorait le renouveau du soleil
et de la vie. C’est
aussi en son honneur que l’on organisait, le 24 juin, les
feux et les danses de la Saint-
Jean (proches du solstice d’été). Enfin,
notons que Belenos était le patron des beauxarts
et de la beauté en
général.
Ne pouvant être exhaustif
dans ce défilé de divinités gauloises, nous terminerons
notre énumération par
l’Hercule gaulois : Ogmios. N’ayant ni la jeunesse ni la force de
son modèle
g