LE PASSAGE DES ECLUSES

La traversee du Canal de Panama se passe a peu
pres en 24h. La moitie des bateaux du rallye a quitte la marina de Colon hier
vers 14h30 (nous etions les derniers comme d’habitude), pour se rendre a l’entree
du Canal et attendre son heure de passage. Vers 16h30 un bateau remorqueur a
delivre a chaque embarcation son propre « counsellor », le
specialiste du passage ; c’est lui qui accompagne chaque bateau d’un bout
a l’autre des ecluses. Ricardo est charmant, il est le superviseur de tous les
aides pilotes et se trouve a la fin du convoi pour verifier que tout se passe
bien. Nous sommes 15 bateaux repartis en 5 rangs et formerons un
convoi a part, sans autre bateau ; 3 bateaux par rang sont relies par des cordages
et vont voguer sur les ecluses ensemble. Nous sommes au dernier rang et ne
sommes que 2, un monocoque de 45 pieds et nous, un catamaran de 42 pieds. A
partir de ce moment la il va falloir se deplacer ensemble, accolles comme des
freres siamois, dans les courants tres forts des ecluses. Une equipe se trouvera
a l’exterieur du bateau, cote babord (gauche), Bertrand a l’avant, Guillaume et
Ferdinand a l’arriere ; ils seront relies aux employes du Canal par de
gros cordages de 40 metres de long. Cote interieur du bateau se trouvent
Matthieu a la barre qui devra essayer de maintenir les 2 bateaux stables et
droits pendant toute la procedure, et ce malgre les enormes mouvements d’eau.
Liliana, Marguerite et moi serons polyvalentes : supervision des cables
qui nous relient a l’autre bateau –parebattage contre parebattage-, un œil sur
les garcons et prise de photos. Les ecluses s’ouvrent et le convoi avance. Les
ecluses se referment derriere nous, et l’eau se met a monter. Le role de
Bertrand et des garcons est de tirer sur les cordages au fur et a mesure que le
niveau s’eleve. Cela va tres vite et les enfants sont un peu surpris, mais se
mettent a tirer tres efficacement sur les cordes, et ce au moment opportun, ce
qui est la vraie gageure. Soudain les bateaux devant nous se mettent a deriver
vers la droite puis la gauche, et l’on apercoit les equipages se precipiter sur
les cordages d’un cote puis de l’autre. Le canal a beau etre assez large pour
accueillir des cargos de 200 metres de long et 40 metres de large, les murs
paraissent bien proches ; en fait un bateau lourd et large a beaucoup
moins d’amplitude de mouvement qu’une plus petite embarcation. Tous les caps
sont redresses et nous nous decontractons un peu. Nous nous sommes eleves de 8
metres en 15 minutes… La deuxieme serie de portes s’ouvrent et nous rentrons
dans l’ecluse suivante. Et les portes se referment a nouveau… L’operation se
renouvelle encore 1 fois jusqu'à ce que nous trouvions dans la troisieme
ecluse. C’est la partie un peu angoissante de l’histoire ; ces portes ont
beau resister depuis pres de 100 ans, on ne peut s’empecher d’imaginer qu’elles
pourraient ceder et nous faire redescendre les 26 metres qui nous separent du
point de depart en quelques secondes. Ces 26 metres ont été franchis en 1h30
environ, en comptant le temps de passage et d’installation dans chaque ecluse. Il est 21h15, nous quittons les ecluses pour nous
enfoncer dans le paysage obscure du Lac de Gatun, lac artificiel construit
entre les deux series d’ecluses. Nous cherchons un endroit pour nous ancrer et
passer la nuit. Notre counsellor saute sur le remorqueur qui est passe le
recuperer, a la suite de ses 15 collegues. Nous avions remarque que les habitants de
Colon avaient plus le type des habitants des Caraibes que le type colombien
(Panama faisait autrefois partie de la Colombie). En visitant les ecluses par
le haut, il y a deux jours, puis en lisant des documents sur la construction du
Canal, nous avons compris que lorsque les travaux ont commence sous la
direction de Ferdinand de Lesseps, en 1880, les quelques 17 000 travailleurs employes
venaient des Caraibes. Une grande partie des habitants de Panama est
probablement issue de ces hommes incroyablement courageux qui ont du affronter
les ecoulements de boue, les inondations, la malaria, la fievre jaune et des
conditions de vie particulierement rude, pour que ce canal puisse voir le jour. Apres l’echec du projet francais, les americains
reprennent la direction du canal et parviennent a eradiquer les maladies sur le
chantier. Le canal sera uinaugure en 1914. 6700 personnes ont laisse leurs vies
sur le site du chantier. Ce matin nous sommes en route pour la deuxieme
partie des ecluses… Ciao, Marie-Anne PS : le pamplemousse rose en revanche
tient bien la route… par rapport aux bananes… |