Petit retour en arrière

Planète Rouge II
Daniel CANTINEAU
Thu 8 Dec 2011 18:36
Eh oui, sans com pas de blog et donc on a sauté quelques épisodes.
Revenons donc au départ de la transat.
Avec un équipage flambant neuf, des soutes pleines d’eau (800 l) + réserves non potables (100 l) + eau de boisson (85 l), des réservoirs de gasoil pleins (480 l) + réserves en bidons (5*20=100 l), un avitaillement qui nous semble complet, chacun ayant acheté ses petites préférence en plus de l’essentiel que Martine surtout s’était employée à acheter, porter et ranger à bord (alors qu’elle n’en mangerait miette) et cuire d’avance pour les premiers jours annoncés comme mauvais. Il faut dire qu’à Mindelo point de supermarché grandiose et achalandé mais plusieurs petites supérette et boutiques qu’il faut visiter pour trouver son assortiment préféré, le pain excellent, la viande débitée en cubes, peu de choix mais correct.
Reste à choisir le moment du départ car une dépression à bords festonnés rode au nord des iles du cap vert et balaie le port d’un vent de 30 kt avec une mer à l’extérieur entre les deux iles un peu déchainée comme à l’arrivée. Vendredi 2 le premier bateau part sous les cornes d’encouragement de la flotte et samedi 3 le groupe des moins rapides s’ébranle avec chaque fois les mêmes encouragements sonores. J’avais repéré un créneau de vent moins fort en fin de matinée Dimanche 4 qui se confirme et hormis quelques rapides qui sont sournoisement partis dans la nuit pour être aux avants postes, le gros de la troupe s’ébranle entre 11 h et 15 h locale, Planète Rouge II appareille à midi pile (11 h UTC).
Bien vite au large de l’ile de Sao Vicente le vent et la mer nous prennent dans leurs bras mais pas vraiment pour nous bercer, le bateau vole à 8-9 kt, pointes à 10, dans un vent de 22-25 kt et une mer hachée qui nous secouera pendant 20 heures, les estomacs souffrent, on fait le gros dos mais on avance vite et après une journée nous voilà dans les alizés, un peu forts certes (20 kt) mais au portant ce qui adoucit les contacts avec la vague. 133 Nm le premier jour, 130 le deuxième puis progressivement les conditions s’améliorent avec 12 à 15 kt et une houle atlantique qui se fait sentir à mesure que nous nous éloignons du Cap Vert. La routine s’installe, les quarts fonctionnent bien, nos deux équipiers italiens Paola et Andrea sont fiables sérieux et volontaires même si leur expérience de voile est limitée sans être faible, Evelyne quand à elle, forte d’une longue expérience marine et qui n’en n’est pas à sa première traversée trouve rapidement ses marques.
Les jours suivants dans la descente vers le sud, je choisis de rester un peu dans l’est selon les conseils des anciens car d’une part la largeur de la ZICT (pot au noir ou zone inter tropicale de convergence) y est moindre et d’autre-part il faudra longer trop rapidement les côtes du Brésil avec une mer dure, un vent parfois contraire, un courant de nord ouest le long de la côte et des barques et bateaux de pêche mal signalés et parfois filets dérivants, la hantise du bateau à voile. Donc je choisis l’arrivée par le travers de Salvador avec un gros risque, celui de faire plus de route mais avec l’espoir d’arriver au portant avec de la vitesse une fois passé la ligne. Le champagne est prêt mais je n’ai ni (plus) l’embonpoint supposé ni le déguisement de Neptune pour baptiser les impétrants passeurs d’équateur. On avisera.
 
Les problèmes techniques s’accumulent, ordinateur HS, plus de com Iridium, plus de météo, le nouvel ordinateur ne se laisse pas faire. Le problème le plus sérieux est celui du groupe électrogène qui n’accepte de fonctionner que 50’ à la fois puis se met en faute et s’arrête. J’ai exploré par le menu, circuit eau de mer circuit eau douce, calorstat, changé la turbine, retrouvé des pales de turbine dans le filtre-grille, rien n’y fait, c’est insuffisant pour charger les batteries complètement, je suis obligé de fractionner les charges, donc pb avec les frigos, la centrale de nav, le radar, la VHF, le dessalinisateur dont on ne se servira pas, mais surtout le pilote automatique 5ème homme à bord indispensable et toujours d’accord, sans lui pas de manoeuvre sure, des quarts de veille qui virent au cauchemar car barrer pendant 5 jours comme on l’a fait pour arriver à Madère était déjà éprouvant à 6, mais pendant 15 jours à 4 ce serait l’enfer.
 
Pour le moment statu quo, ça fonctionne tout juste, on croise les doigts. Le ciel me sourit un peu (et oui il y a des embellies dans ma poisse) le père de ma jeune équipière italienne est dans le nautisme (à un haut niveau) et a avec lui des équipes qui connaissent parfaitement les groupes Fischer Panda. Echange de mails et le diagnostic arrive, c’est très probablement un condensateur du circuit 220 v qui est défaillant et entraine une surchauffe de l’alternateur protégé par une sonde qui met le moteur à l’arrêt. Hélas je ne pourrai pas m’arrêter au prochain garage sur le bord de la route avant Salvador. Donc on croise les doigts tout en se rassurant sur l’absence de risque pour le moteur ou l’alternateur.
Les pb d’ordinateur sont presque résolus et je peux vous écrire maintenant pour vous rassurer, tout va bien à bord.
Dans les deux à trois jours qui suivent nous verrons si les choix de route sont payants ou complètement bouleversés par un changement météo ce que je peux craindre au vu des derniers fichiers grib reçus ce matin.
 
A bientôt pour d’autres aventures.
Daniel
J’ouvre ce blog aux lignes que souhaitent écrire mes équipiers afin de rassurer les leurs et de leur donner leur vision des choses.
 
 
 
Bonjour,
Merci Daniel de me permettre de partager ce blog, ma famille et mes amis retrouveront avec impatience mes lignes relatant nos aventures.
Maintenant que nous sommes amarinés, le blog est à notre disposition, c’est parfait, car de toute façon, les jours précédents, je n’aurais pas tenu 5 mn devant l’ordi.
Vendredi 2 : Le taxi me conduit jusqu’au port de Mindelo. Planète Rouge côtoie Catalina (une vieille connaissance). Daniel, capitaine de Planète Rouge et sa compagne Martine m’accueillent chaleureusement et me présentent un jeune couple italien, une belle Paola et Andréa qui nous accompagneront dans cette traversée.
A peine le temps de déposer mes bagages dans ma cabine, une réception nous attend au bar de la marina, discours du maire de Mindelo et de Nicolas Tiphagne responsable du RIDS sur les sites. Buffet dressé sur des tables drapées de blanc, orchestre, tout y est, me voilà vite replongée dans l’ambiance des rallyes. Mindelo s’ouvre au tourisme et à la plaisance, la marina est très belle, elle était seulement en début de construction en 2007 lors de ma 1ère transat.
Mon ami Jacques arrive avec ses équipiers dont j’ai fait la connaissance dans à l’aéroport. Jacques, le Cap’taine Jack de Catalina, grâce à qui je suis là ce soir, quelle histoire !! Merci Jacques et Nicole ! 
Je dois vous dire que mardi 28/11 mon tél a sonné à 20H30, au tél, un inconnu Daniel se présente de la part de mes amis Nicole et Jacques, il me propose de venir les rejoindre à Mindelo sur le Rallye des Iles du Soleil.
Le rallye quitte Mindelo au plus tard dimanche.
2 secondes pour réfléchir,
48 h pour préparer mon départ, paperasses, bagages, et surtout vaccins.....
J’ai coché ma check liste jusqu’à 10 mn de mon départ.
Tania, désolée je ne serai pas à ta petite fête samedi, mais je sais que tu me pardonnes.
Ma Rosette, je n’ai pas attendu ton retour de vacances pour te dire au revoir, t’es fâchée ?
Ghislaine, cette fois ton gendre peux t’appeler “belle maman” quel bonheur ! tu me raconteras.
 
Après, cette petite fête, je suis bien contente de me coucher, bercée dans ma cabine du Dufour 525.
 
Samedi 3
Martine prépare avec regret sa valise. Daniel constate que l’ordi de bord est en rade. Martine, Paola et Andréa partons faire les dernières courses. Au marché André négocie les prix en espagnol avec les mamas. Il est bon, mais c’est surtout pour le fun. Fruits, légumes, je retrouve avec plaisir le marché au poisson, pittoresque avec ses grandes fresques, je conseille à Martine l’achet de poissons rouges tachetés, du garoupa, je me souviens que c’était très bon. Aussitôt arrive un rasta un peu édenté, il propose ses services, pour quelques monnaie il nettoie nos 3 poissons. A la boucherie, Martine achète du boeuf en morceau et des petites côtes de boeuf nous tentent, nous essaierons de ne pas casser nos 30 oeufs posés sur le carton au fond du sac.
A midi, je cuisine les poissons, tout le monde se régale.
L’après-midi, je pars avec Paolo “en ville”, faisons quelques magasins, bazars chinois, et nous installons pour un peu d’internet au bar italien Koyaba, en face du kiosque sur la place. Des hommes au bar parlent fort, l’un obèse, l’autre clopine, un autre attablé, le regard vide droit devant, une cigarette aux coins des lèvres, clientèle étrange...
Mais l’internet fonctionne et ne coûte que 2 euros l’h, imbattable prétend Paola.
De retour au bateau, le vent est trop fort pour partir aujourd’hui, nous verrons demain. Cela permet à Daniel d’accompagner Martine à l’aéroport, maigre consolation pour elle, après quelques incertitudes sur les date et heure de décollage de son avion.
J’en profite pour retourner au bar italien pendant une heure, le client est toujours attablé l’air hagard devant son verre. Vitte quelques mails pour donner de mes nouvelles.
 
Dimanche 4
Le vent faiblit, certains bateaux sont déjà partis encouragés par les cornes de brume, les derniers, les catamarans entre autres décident de quitter le port début d’après-midi, Andréa aide Daniel, ils réparent l’ordi. Nous sommes prêts à larguer les amarres.
11h UTC, c’est parti !
Daniel me demande rapidement de prendre la barre.
Et soudain, l’motion me gagne, il y a 4 ans presque jour pour jour, je tenais la barre de Sierra Echo à la sortie du port de Mindelo.
Paola prend des photos et remarque mes larmes, elle vient doucement me câliner.
La mer est calme, la sortie de la baie est agréable. Tout va bien ! Andréa et Paola secondent Daniel, hissent les voiles.
Notre déjeuner se limitera à 2 oeufs durs et fromage, entre les îles la mer se durcit. Roulis, tangage, mes 1ers miles sur un monocoque sont un peu difficiles, mais si cela peut me réconforter, Paola et Daniel ne sont pas plus vaillants que moi.
Je nourris les poissons toute la nuit et finis par prendre un comprimé de Mercalm avant de me coucher.
Impossible de dormir, la mer est très agitée, je fais des bonds sur ma couchette, ça ressemblerait à un rock acrobatique ou du saut à la corde....
Mama mia.... dans quelle galère me suis-je embarquée ? Jamaisvécu ça, pourtant j’ai traversé quelques bonnes tempêtes.
 
Lundi 5
Seul Andréa tient le coup !
Un peu de thé, une mini tartine pour débuter la journée. Andréa s’attable avec un pot de Nutella et un appétit d’ogre.
Karine, les poissons volants s’envolent par nuées, rasent l’eau. Des poissons, des poissons, pas besoin du masque et tuba aujourd’hui.
Daniel, sort la canne à pêche, le 1er rapala dans l’eau ne tarde pas à éveiller la convoitise. Bzzzz..... le fil part, une grosse tête de thon fait surface sur la crête des vagues, Andréa se précipite, mais bloque trop rapidement le moulinet. Le thon coupe l’appât. Raté ! Plus rien au bout du fil !
Daniel, ne désarme pas, il en remet un autre, il le rentrera avant la nuit.
 
Andréa ne craint pas le mal de mer et il aime cuisiner, ça tombe bien, 2 bonnes qualités pour un amateur de voyage à la voile.
Il cuisine aussi car il a faim, il s’attable, se sert 2 fois, c’est impressionnant.. Tu vois Karine, nous aussi nous avons notre “broyeur”, Véro : pas de scrupules.
 
Le vent est établit, la mer plus douce, nous commençons à aller mieux.
Nous assumerons chacun notre 1/4.
Pleine lune se couche à 3h du matin, la nuit est calme et tiède. Magnifique ciel étoilé, la grande ourse apparaît brillante à l’horizon. Je réveille Paola à 6h et me recouche.
 
Suite au prochain bulletin,
bises
Eva
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