Dernière ligne droite
Planète Rouge II
Daniel CANTINEAU
Fri 16 Dec 2011 04:32
0:53.055 S
35:15.458 W
Vendredi 16 décembre 03:36:01
Il reste maintenant 240 Nm pour Salvador de Bahia, autant dire une paille
sur les 2000 miles du trajet, le calculateur de bord (et moi qui calcule aussi)
nous donne une arrivée Samedi 17 au matin si nous soutenons la vitesse actuelle
de 8,2 kt de moyenne ce que je ne crois pas vraiment possible, sinon vers 18 h
(sur le bateau nous sommes en heure UTC), car je viens de réduire la toile. Les
rafales atteignent ou dépassent 25-26 kt, j’ai pris un deuxième ris sur la grand
voile et sur le génois car la nuit on ne peut pas négocier les vagues qu’on ne
voit pas, c’est le trou noir devant. Donc c’est le cinquième équipier qui s’y
colle, le seul (en dehors de moi) que j’ai autorisé à prendre la barre à cette
allure, c’est le plus fiable de nous tous (moi compris), je veux parler du
pilote auto.
Même si le gyrocompas donne toute la mesure de son utilité en contrant les
embardées dangereuses et en négligeant les allers retours de la vague qui passe
sous le bateau, un départ au lof ou une embardée “dead back wind” peut être
redoutée sur une très grosse lame. Dans la journée une grande houle
d’Est-Nord-Est est venue tangenter le bateau qui de loin en loin se retrouvait
perché à 6 m au dessus du creux et inversement dans le creux avec une crête de 6
m qui le pourchassait. Au début on est impressionné, puis quand on réalise que
le bateau fait ce qu’il sait le mieux faire : flotter, on s’angoisse un peu
moins.
La nuit, à l’intérieur il fait très chaud, peu d’air, impossible d’ouvrir
quelque panneau de pont que ce soit, la petite s’y est essayée car elle ne
supportait pas la chaleur et à entr’ouvert un panneau, le résultat ne s’est pas
fait attendre, cinq minutes après une vague s’y engouffre, sol inondé, coussins
mouillés, contenu des coffres mouillé, elle a passé un coup de serpillère rapide
et s’en est allée en rire avec son ami dans le cockpit car il faisait décidément
trop chaud en bas pour nettoyer. C’est pas grave j’ai passé la demi heure
suivante à dessaler coussins et tiroirs, mettre à sécher et rincer à l’eau douce
trois fois le plancher à quatre pattes sinon dans deux heures tout va coller et
on aura emmené du sel partout à ses pieds. Dans le bateau tout se paie comptant
(fin du mouvement d’humeur).
La nuit le bateau craque de partout et fait un bruit infernal à chaque
mouvement de roulis d’un côté puis de l’autre. Merci Mr Dufour d’avoir monté les
cloisons de bois à sec dans les gorges du contre moule de pont sans
interposition de joint silicone pour avoir une jonction souple et silencieuse.
Il parait que c’est parfaitement curable avec une herminette spéciale qui permet
l’injection d’un joint à posteriori. Evidemment ça coute moins cher au chantier
de le faire faire par le client que de faire bien le travail au départ selon
l’état de l’art, en plus il faudra que je contrôle toutes les cloisons, les
planchers vissés, les contreplaqué intérieurs et les meubles car j’ai déjà
repéré des vis manquantes et des jeux suspects dans certains raccords entre
meubles et cloisons (fin du mouvement d’humeur).
Heureusement les nuit sont belles chaudes et étoilées et nous bercent
pendant les quarts, elle nous portent au rêve, nourrissent notre
imaginaire.
Je vous souhaite des nuits chaudes et étoilées en pensée, même dans le
froid de votre hiver.
A bientôt,
Daniel |