Jour 11
Planète Rouge II
Daniel CANTINEAU
Wed 14 Dec 2011 18:03
07:42.831 S
032:22.189 W
Mercredi 14 décembre 2011
Nous sommes actuellement sous le travers de Cabedelo, sous Natal et bientôt
par le travers de Récife.
Arrivée probable dans 3 jours au pire 4 si on doit ralentir pour ne pas
arriver de nuit. On commence déjà à voir des chalutiers et je n’aime pas
beaucoup les filets dérivant, les casiers invisibles la nuit et les pécheurs
“domesticos” en barque qui sortent la torche au dernier moment alors qu’on est
sous voile à 7 ou 8 kt pointes à + de 9 et que le bateau a toutes les peines du
monde à abattre tant il aime les surfs sur la tranche de la vague qui est
parallèle au largue pur.
A l’heure qu’il est le premier “Dédale” doit être arrivé, c’est un cata
Outremer 54’ light très rapide qui arrive toujours en tête même en partant le
dernier, mais pas de près serré ni même bon plein et pas de vent arrière, il
faut choisir. Derrière lui un autre cata “Catana 471” également rapide, puis
vient la cohorte de ceux qui sont partis avec un ou deux jours d’avance dans
laquelle se sont invités les plus rapides partis un jour après. Je ne brille pas
par ma place dans le classement mais je ralentis la nuit en arisant
systématiquement pour ne pas mettre le mat par terre ou péter une drisse, une
écoute, une drosse d’enrouleur et devoir passer trois heures sur le pont pour
réparer dans les claque et les vagues qui ont une fâcheuse tendance à rincer le
bateau en escaladant subrepticement la lisse.
De plus mon équipage est constitué d’une petite femme expérimentée à la mer
mais se déclarant moins compétente en voile pure et de deux jeunes tourtereaux
(2*25 ans) intelligents et rapides mais sans aucune expérience, au moins
apprennent-ils vite ; le bateau s’allège assez vite car il est d’une gourmandise
féroce et bouffe tout le temps, je l’ai à plusieurs reprises rappelé à la raison
car tant qu’il trouve, il mange sans calcul, il faut dire qu’il cuisine bien et
se met en quatre pour nous faire des petits plats, il a argumenté qu’il venait
d’arrêter de fumer en me testant pour savoir si, en se mettant complètement à
l’arrière, au dessus de l’eau, il ne pourrait pas en griller une petite. Niet,
sur le bateau le feu c’est l’apocalypse finale. Sur un radeau avec rationnement
de bouffe et d’eau avec un italien au sang chaud, on sortirait les
couteaux.
Nous aurons sans doute du vent arrière dans les derniers 200 Nm car
contrairement à ce que je pensais, le vent s’infléchit en ce moment vers le sud
en frappant la côte donc on reste au large le plus possible.
Onzième jour en mer, déjà 10 jours pleins passés à se faire balader par la
mer à ne plus savoir mettre un pied devant l’autre ni se tenir dix secondes
debout sans se retenir à quelque chose, sinon c’est le valdingue assuré avec en
général l’assiette ou le mug à la main alors qu’on monte à l’étage, ou encore on
tient difficilement son assiette et couvert à table, il y faut 4 mains.
Belle moyenne sur les dernières 24 h, 187 Nm parcourus à une vitesse
moyenne de 8,1 kt d’après les relevés de balise. On a du réduire quand même en
milieu de nuit car le gréement souffrait.
Cet après-midi la vitesse tombe à 7 kt, il est nécessaire d’abattre pour
rejoindre la route sinon gare aux miles inutiles, mais en passant de 100 à 120°
du vent, fini les beaux surfs.
Je suis dans le paquet de la flotte, c’est l’essentiel en cas de pépin, ni
bien ni mal placé, ce n’est pas une course, mon bateau et moi voulons arriver
entiers même au prix d’une demi-journée de mer supplémentaire. Si on avait tenu
la moyenne d’hier on mettrait 13 jours pour traverser, mais c’est présomptueux
d’y croire et puis si ma tante en avait...
Je pense avec compassion au bateau en dernière position parti deux jours
avant tout le monde pour cause de lenteur chronique (poids excessif et sous
toilage constitutionnel, ils vont bouffer 17 ou 20 jours de mer, je leur envoie
mes amicales pensées.
Je remonte régler mes voiles et préparer ma stratégie d’arrivée avec les
fichiers grib du jour.
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