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Yapa around the world
Benmoussa Hicham
Tue 21 May 2013 15:15

 

20H30 GMT

 

Vent: SE force 4-5 ; Cap: 250° ;  Vit.: 5-6 nds ;  Allure: GRAND LARGUE sous génois seul.

 

C’est étrange, depuis quelques jours, ma vitesse baisse sensiblement alors que le vent et la mer n’ont pas changé.

Il n’y a pas de courant contraire dans cette région et pourtant j’ai perdu presque 1 nœud par heure, ce qui est énorme!

C’est donc que la carène doit être sale ; pourtant je l’ai parfaitement nettoyé avant le départ…

Le problème, c’est qu’il y a tellement de houle qu’il serait dangereux d’aller voir sous l’eau ce qui se passe.

Et puis, je dois avouer que l’idée de me mettre à l’eau tout en sachant que le fond se trouve à 5000 mètres (5 kilomètres!!!) de profondeur me donne la frousse.

Je sens bien que je ne suis pas du tout dans mon élément!

Tout bien réfléchi, je vais rester sur Yapa; on garde notre cap et tant pis si on met 2 jours de plus. Après tout, on est plus à ça près!

Ici la vie se passe bien; on peut dire que je suis maintenant complètement amariné. Ça m’en aura pris du temps!

En tout cas, il est intéressant d’observer les différentes étapes psychologiques pendant ce voyage et de noter à quel point elles sont semblables aux différentes phases que j’ai traversées lorsque j’ai effectué le Chemin de Saint-Jacques de Compostelle il y a de ça une dizaine d’années (déjà!!!).

 

La première phase est euphorique, elle dure à peu près une semaine; l’excitation du départ, l’aventure, les retrouvailles avec la mer, les nuits étoilées, avec Yapa, seul à seul, dans cet espace infini entre ciel et mer…

Tout ça aide à oublier ou occulter l’inconfort et la dureté de la vie quotidienne à bord pendant les premiers jours.

Tout est nouveau, on prend ses marques, on est en alerte constante, et on ne dort pas beaucoup.

 

La deuxième semaine, c’est le coup de barre. Toute la fatigue accumulée la première semaine nous tombe dessus d’un coup.

Ce n’est plus l’euphorie des premiers jours où la galère nous fait sourire. C’est une prise de conscience; on réalise à quel point le chemin sera long et dur.

Mais on se dit courage, on est qu’au début, on n’a pas le droit de flancher maintenant!

 

La troisième semaine c’est le coup de blues accompagné d‘énervement et parfois d‘exaspération.

On se demande ce qu’on fout là!

L’inconfort, la dureté de la vie à bord, le roulis, toutes ces galères quotidiennes ne nous font plus du tout rigoler!

On est à peine à mi-chemin et le bout du tunnel semble loin, très loin…

 

La quatrième semaine, quelque chose de bizarre se passe, on arrête de se battre.

On ne s’énerve plus, on commence à adopter les mouvements de la mer de manière naturelle; on se plie à son rythme et on bouge avec elle.

On a trouvé un rythme de sommeil et pourtant, on est toujours un peu fatigué.

Je ne pourrais pas dire que je suis heureux, je ne pourrais pas dire que je suis malheureux non plus.

Je suis tranquille.

Je crois qu’on peut appeler cette étape, la phase d’acceptation ou de soumission.

Demain, je commence ma cinquième semaine en mer;

Voyons voir ce qu’il adviendra…

À demain.