L'albatros

Life on Patchwork
Wed 24 Nov 2021 18:49

Notre position à 19h00 UTC le 24 novembre 2021 : 31:04.8S 117:56.5W

 

Bonjour à tous,

 

Depuis notre dernier post, nous avons continué de naviguer vent arrière avec les phares carrés encore 24heures. Puis dimanche vers minuit un grain a fait tourner le vent (nous étions toujours vent arrière mais tribord amure), et au petit jour le vent s’est arrêté. Nous avons affalé les phares carrés et hissé le génois, la trinquette, la pouilleuse et la grand voile en prévision du vent à venir. Grain, vent, on avance! Mais voilà qu’après le grain, pétole! Et vous commencez à connaître la chanson ( en tout cas pour nous c’est bien intégré) : pétole+houle= voiles qui claquent! On affale la grand voile, donc, et on allume le moteur à bas régime, histoire de ne pas se faire trop trimballer.

 

En milieu d’après-midi, le vent se lève enfin, on remet la grand voile (ça fait les bras toutes ces manoeuvres!), et on prend notre cap à… 220 degrés, soit sud-sud-ouest! Alors ça peut sembler contre intuitif, mais quand on a des vents contraires on n’a pas trop le choix. Et ça ne devrait pas trop durer, d’ici quelques heures le vent devrait adonner et on devrait pouvoir reprendre un cap plus vers l’est. On joue avec les anticyclones et les dépressions, qui passent vite et font rapidement changer le vent ( de force et de direction). Ca demande de bien analyser et de s’adapter, c’est assez intéressant.

 

Dans tous les cap, même si c’est sud-sud-souest, c’est bien de faire un peu de sud. En effet, notre destination se trouvant à 41 degrés sud, il va bien falloir y descendre. De plus, aux alentours de 35-40 degrés sud les vents dominants soufflent de secteur ouest et seront donc portants pour nous pousser jusqu’ à destination. D’ailleurs, la route habituelle pour aller au Chili depuis Tahiti est de faire cap au sud pour ensuite s’enquiller dans ces vents d’ouest. Si vous nous avez bien suivi, nous n’avons pas pu suivre cette route et avons suivi la météo, faisant cap à l’est sous les lattitudes tropicales plus longtemps. Il est donc temps d’aller rejoindre ces vents, tout en restant attentifs aux depressions qui remontent du sud (flirter avec le bord pour avoir 25 noeuds en vent arrière, oui oui oui, se retrouver au milieu avec 50 noeuds et 7 mètres de houle, non non non), va falloir la jouer fin! Et pour nous y aider nous sommes très contents de nos fichiers météo, qui jusqu’ à présent ont été très justes dans leurs prévisions.

 

Bon, trêve de bavardage technique. Un peu de poésie maintenant! Il faut tout de même que je justifie le titre de ce post…

 

Hier, pendant que j’étais en train de préparer le repas, je sors la tête par le capot de l’entrée, et je vois, un peu loin derrière nous, un “méga-oiseau” (c’est comme ça que j’ai dit à Thomas de venir : “viens voir il y a un méga-oiseau”). Je ne le vois plus, il s’est posé sur l’eau. Il s’envole de nouveau, se pose quelques mètres plus loin. “Tu crois que c’est un albatros?” Depuis que nous avons décidé de faire cette traversée, j’éprouve une appréhension par rapport aux quarantièmes rugissants, que je compense par l’excitation de voir des albatros. “Tu crois qu’il aura la curiosité de venir nous voir?” Oui, et oui. Sans un battement d’ailes, majestueux, en maîtrise parfait de son vol, des éléments et de son grand corps, il a plané vers nous, est passé derrière le bateau, puis nous a longés à quelques dizaines mètres, avant de disparaître à l’horizon. Je l’ai admiré le souffle coupé, des étoiles d’émerveillement plein les yeux. C’était tellement beau, et tellement impressionnant.

 

Il devait faire 1m50 d’envergure au bas mot, blanc sur le dessous, bruns-gris sur le dessus. Un grand bec crochu (pas gros comme celui des toucans, ni long comme celui des pelicans, mais disons plutôt grand par rapport à sa tête). J’avais souvenir dans les documentaires que les albatros devaient se donner de l’élan pour s’envoler, et qu’ils passaient des mois en mer pour pêcher, je m’étais donc demandé comment il se reposait : apparemment il arrive à redecoller après s’être posé sur l’eau.

 

Depuis notre départ nous n’avons cessé de voir des oiseaux marins. A chaque fois, je me demande d’ou ils viennent, ou ils vont, comment ils se repèrent. Lorsque nous étions au milieu du banc de thons, les oiseaux ont afflué. D’ou venaient-ils? Comment savaient-ils? Ces mystères rendent ces présences et ces rencontres d’autant plus précieuses.

 

Sur ce, je vous laisse, je vais aller guetter si je revois un albatros!

 

Bises,

Alexandrine