TAHITI_tour de lile_ARUE_la saga des Pomare_Histoire

EtoileDeLune
nathalie & dominique cathala
Wed 2 Feb 2011 00:11
Bonjour,

Nous voici dans la petite commune d'Arue, où le cimetière et le tombeau royaux nous incite à une pose historique.

L'histoire d'une dynastie, ou le résultat d'une succession de méprises


Sommaire du premier volet
Cimetière et tombeau « royal »
Au commencement, il y avait une hiérarchie sans roi
La méprise de Wallis et de ses successeurs
Point de vue en passant...

Un coup de pousse vers le trône
Faire accepter la « royauté » aux Maohis
Aparté géopolitique


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Cimetière et tombeau « royal »

Dans la petite commune d'Arue, la première curiosité à satisfaire est le cimetière des Pomare. Non pas que l'endroit soit particulièrement attrayant. Au bord de la route, coincé entre une école et un jardin d'enfants, un muret de pierres volcaniques enferme quelques tombes. C'est presque lugubre. Toute la descendance des Pomare est là sauf... Pomare V, le dernier « roi  régnant ». Celui-ci est inhumé dans ce que l'on nomme « le tombeau du roi », soit un mausolée situé à la pointe Outu'ai'ai, à quelques pas de là.

L'intérêt de cet endroit est plus historique que pittoresque. Il suscite des questions éthiques. Des remises en cause sur le déroulement de l'Histoire. Car ici, l'on découvre à quel point l'introduction d'éléments exogènes dans une société autochtone, n'est pas anodine, ni transparente, loin de là.

En creusant le terrain historique de la Polynésie, on comprend pourquoi la relation franco-polynésienne s'articule autour d'un « Je t'aime, moi non plus. »

Voici, pour mieux comprendre les motivations des uns et le désarroi des autres, l'histoire d'une dynastie, ou le résultat d'une succession de méprises

Au commencement, il y avait une hiérarchie sans roi

Avant l'arrivée des Occident
aux, il n'existait dans ces archipels aucun roi. Dans la genèse de l'implantation maohie, une tribu était composée de descendants d'une même famille. En principe, il ne devait donc exister qu'une hiérarchie patriarcale. Pourtant à la faveur de la croissance de la population la société insulaire s'organisa. Sa structure civile s'établit autour d'un fonctionnement complexe de castes où l'on retrouvait en haut de l'échelle sociale les Arii (chefs), les Raatira (propriétaires terriens), les Manahune (prolétaires), puis les teuteu (serviteurs), et enfin, la plus basse classe composée des titi (destinés aux sacrifices cérémoniels).  

Les Arii Nui étaient considérés comme les plus grands chefs d'une île. Dominant les vallées par leur charisme et leur bravoure, le peuple leur accordait des vertus et une puissance hors norme.

Chaque tribu de chaque vallée fonctionnait sur le même moule. Ce qui n'empêchait pas les tribus de se livrer des guerres impitoyables. Les chefferies s'alliaient ou s'opposaient selon les affinités et les ambitions territoriales. Les Arii les plus respectés étaient ceux qui avaient combattu le plus de tribus adverses, les assujettissant, ils augmentaient leur pouvoir et agrandissaient leur domaine.

Les Arii étaient éminemment respectés par les membres de leur tribu. Les marques de déférence s'exprimaient de multiples manières et constamment répétées.

La méprise de Wallis et de ses successeurs

Avant l’arrivée de Wallis, le clan le plus important de Tahiti était celui des Teva, dont le territoire s’étendait de la presqu’île au sud de Tahiti Nui. Ce clan était dirigé par l'arii Amo et son épouse Purea. Lorsqu'en 1767, Wallis débarqua en tant que premier Occidental sur Tahiti, il choisit la baie de Matavai comme mouillage sûr. A terre, il fut accueilli par Purea. Wallis, témoin des multiples marques de respect manifestées par le peuple tahitien, conclut que Purea était la reine de Tahiti et des îles environnantes. Voici ce qu'il dit de leur première rencontre :
« Le 12 juillet 1767, j'allai à terre pour la première fois, et ma princesse, ou plutôt ma reine, car elle paraissait en avoir l'autorité, vint bientôt à moi suivie d'un nombreux cortège. (...) La multitude s'assemblait en foule à notre passage, mais au premier mouvement de sa main, sans qu'elle dît un mot, le peuple s'écartait... »

L'année suivante, Louis Antoine de Bougainville fit escale à Tahiti. Il choisit un autre mouillage, le long de la côte est. Il ne commit pas l'erreur de consigner dans ses carnets qu'il avait rencontré un « roi », mais bien le « chef Reti ». Mais Cook en 1769, fort des instructions de son compatriote, Wallis, mouilla dans la baie de Matavai, où il retrouva la « reine de Samuel Wallis ».  Son pouvoir était alors en chute libre car son époux, Amo avait perdu la dernière guerre contre deux grands Arii Vehiatua et Tutaha.

Lors de son second voyage, Cook rendit ses hommages à Tutaha, le chef le plus brave. Cook avait compris que les îles fonctionnaient selon un mode de chefferies. Mais il décida néanmoins de donner un traitement spécial à Tutaha. Par les échanges de cadeaux, l'importance que Cook octroyait à sa famille, il la révéla plus puissante aux yeux des autres chefs. Les alliances et les oppositions au sein des tribus tahitiennes s'amplifièrent. Les agissements de Cook eurent des conséquences inaltérables :  le petit neveu de son protégé devint quelques années plus tard Tu-Pomare I.

Point de vue en passant...

Songez que la dynastie Pomare tient au hasard. Si Wallis avait choisi un autre mouillage, si Cook avait décidé de revenir dans une autre île, tout autre chef aurait été « élu » roi, toute autre île serait devenue le chef lieu de la Polynésie. Raison pour laquelle, certaines familles de chefs, contestent encore aujourd'hui les titres royaux des Pomare.

Un coup de pousse vers le trône

Dans ses deuxième et troisième voyages aux îles du grand océan, Cook couvrit son « chouchou » de cadeaux. Il lui apporta des armes à feu, qui permirent à Tu d'orienter de nombreux combats en sa faveur. Au besoin, Cook aida plusieurs fois à asseoir le pouvoir de la famille élue en l'aidant de ses canons dans les guerres tribales (pensez-vous, des lances et du muscle contre de la grosse artillerie!)

Peu à peu, cette préférence installa les descendants de Tu sur « le trône ». La dynastie prit, en 1790, le nom de « Pomare » qui signifie « tousse la nuit » parce qu'une petite fille du clan était morte en bas âge de tuberculose.

Faire accepter la « royauté » aux Maohis

Il n'a pas suffi d'associer les forces d'un chef de guerre aux Européens pour introniser les Pomare. Encore fallait-il convaincre les Maohis. Comment introduire une notion de chef suprême, de chef des chefs ou de rois dans cet archipel qui se considérait non pas comme une nation, mais comme une multitude de « petits mondes »? Ces landernaux politiques fonctionnaient tous selon le même moule, mais ils étaient néanmoins concurrents.

Afin d'étendre leur pouvoir, les Pomare s'associèrent par le mariage aux grandes chefferies des îles de la Société. Ces unions permirent de prétendre à une illustre et incontestable généalogie. Afin de rallier les septiques, il restait à Pomare I et à ses alliés à prendre les armes pour conquérir plus de territoires.

Aparté géopolitique

Dans cette saga, il m'est difficile d'introduire une autre notion, celle de la légitimité royale au niveau polynésien. En effet, si les Pomare pouvaient prétendre après multiples stratagèmes politiques à une autorité suprême sur les îles de la Société, le reste de l'archipel, les Tuamotu, Marquises, Gambier et Australes vénéraient leurs propres arii. Par exemple aux îles Marquises la cheffesse Vahekehu assumait, elle aussi, des fonctions de « reine ».


Sommaire du prochain volet
Pomare II, une implacable évolution
La fin de tout : Pomare V
Des rebondissements royaux
Petit résumé dynastique
Sources bibliographiques


A plus, pour la suite...
Nat et Dom
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